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Politique étrangère - Discours de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, à l’occasion de la Conférence des ambassadrices et ambassadeurs (2 septembre 2022)

Mesdames et Monsieur les Ministres,
Messieurs les Présidents de commission,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames les Ambassadrices et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames les Directrices et Messieurs les Directeurs, Chers amis,
Pour la première (…)

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Politique étrangère - Discours de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, à l’occasion de la Conférence des ambassadrices et ambassadeurs (2 septembre 2022)

Mesdames et Monsieur les Ministres,

Messieurs les Présidents de commission,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Madame la Secrétaire générale,

Mesdames les Ambassadrices et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames les Directrices et Messieurs les Directeurs, Chers amis,

Pour la première fois depuis 2019, nous voici réunis pour une conférence des ambassadeurs plénière. C’est évidemment pour moi un honneur immense que de retrouver ce cadre, comme ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mais c’est aussi un plaisir de renouer avec ce moment d’échange et de réflexion dont nous avons été trop privés. Je veux vous le dire, très simplement, je suis heureuse que nous nous retrouvions tous parce que depuis trois ans, il nous a vraiment manqué du lien. Ces années ont été marquées par bien des difficultés, bien des drames, et je voudrais en particulier saluer la mémoire de deux ambassadeurs décédés ces derniers mois, je pense à Renaud Salins et Emmanuel Cocher ; nous pensons tous à eux. Je sais qu’ils vous manquent ; et ils manquent à cette maison.

Ce ministère a la particularité d’avoir les trois quarts de ses agents à l’étranger. Ses membres forment une communauté, qui a besoin de se rassembler pour échanger, pour prendre de la hauteur, pour réfléchir ensemble. Et c’est la vocation, l’intérêt de ces rencontres depuis bientôt 30 ans.

Le Président de la République a salué hier votre action pendant ces trois dernières années, marquées par des crises inédites, des crises sanitaires et des crises de sécurité. Et après lui, je voudrais donc commencer par vous dire toute mon admiration du travail accompli par notre réseau, pendant les deux années de pandémie, et donc par vous et par vos équipes, pour rapatrier des centaines de milliers de compatriotes, pour porter secours aux Français en difficulté, pour animer des équipes en période de confinement ou de restriction aux déplacements. Ça n’a pas toujours été simple. Cette crise a démontré, s’il le fallait, la réactivité, l’efficacité et le dévouement exceptionnels de tous nos agents.

Mais ces deux années de pandémie ont aussi empêché la diplomatie de fonctionner normalement. C’est un métier de contacts, et nous en avons été trop privés. Moins de rencontres, moins de visites de terrain, moins de visites ministérielles, qu’aucune visioconférence ou qu’aucun échange écrit ne peut remplacer. On ne rapproche pas beaucoup les points de vue sur Zoom, on ne convainc pas bien aisément sur Teams, on ne négocie pas efficacement sur Webex. D’ailleurs, je ne suis pas loin de penser, à titre personnel, que ce recul de la diplomatie de contacts explique pour une part l’accélération des incompréhensions, des tensions, et l’aggravation des désordres du monde.
Il a manqué du lien entre nous, il a manqué aussi du lien au sein de la société internationale.

Nous évoluons dans un monde qui fait désormais la part belle à la confrontation, ce sera mon premier point. Un monde qui exige que nous assumions une diplomatie combative, le Président vous a même dit, hier, « une diplomatie de combat », diplomatie dont je vous présenterai les contours dans un second temps, avant d’évoquer avec vous la vision du monde de cette diplomatie et celle qu’elle aura vocation à défendre. Ce qui exige, vous le savez, que nous nous organisions efficacement et que nous disposions des moyens adéquats pour mener à bien nos missions.

Mon premier point est que le monde dans lequel nous allons agir n’est plus simplement un monde de compétition acharnée. C’est un monde où l’espace de la confrontation s’est élargi. Nous devons le savoir et y faire face.
Lors de la dernière édition de cette Conférence, donc en 2019, le Président de la République brossait le tableau d’un monde en profonde recomposition : des équilibres bousculés, une mondialisation économique sans arbitre, un agenda global bouleversé par la révolution numérique et par l’urgence écologique, une Europe à la croisée des chemins, un ordre international sous tension.

Ce diagnostic pouvait paraître sombre ; il était juste. Le président de la République nous a parlé hier du risque que les fractures anciennes ne finissent par fragmenter durablement la scène internationale, ce qui ne serait pas sans implications pour nous, dont la mission est d’éviter cette fragmentation. Mais la tendance est là. Que l’on songe que nous en étions, en 2019, lors de notre dernière conférence plénière aux premiers pas du groupe Wagner en République centrafricaine, groupe désormais présent au Mali, en Ukraine et sans doute ailleurs. Que l’on songe à la multiplication des incidents dans le domaine cyber, contre des hôpitaux, des mairies, des entreprises de toute taille, mais aussi des États. Et nous venons, d’ailleurs, vous le savez, d’apporter notre aide au Monténégro, victime de cyberattaques massives. Que l’on songe aux manipulations de l’information que conduisent nos adversaires, sous toutes les latitudes. Ou que l’on songe aux tensions dans les espaces maritimes, de la Méditerranée orientale à la mer de Chine méridionale.

Il ne s’agit pas d’être ingénu. Nous ne sortons pas d’un monde d’ordre et d’harmonie pour entrer dans un monde nouveau de conflits. La vie internationale a toujours été faite d’ententes, mais aussi, ô combien, de chocs, de guerres, de tensions.

Il y a pourtant un fait nouveau, la guerre. La guerre est revenue sur le continent européen lorsque, il y a six mois, la Russie a fait le choix d’agresser militairement l’Ukraine. Que nous dit cette guerre ? Elle nous dit qu’un État, membre permanent du Conseil de sécurité, peut violer ses propres engagements et les principes de droit les plus fondamentaux de la Charte des Nations unies. Elle nous dit que les logiques impérialistes sont de retour : déjà plus de six mois de guerre, dans le but de prendre possession du territoire de son voisin.

La chimère qui anime la Russie de Vladimir Poutine, celle de la restauration de l’Empire, abolit tous les cadres. Le cadre juridique, j’en parlais, puisque la Charte des Nations unies et le mémorandum de Budapest sont ouvertement bafoués. Le cadre moral, puisque nous assistons à la perpétration d’exactions et de crimes de guerre sur une échelle sans précédent en Europe depuis les affrontements qui ont déchiré l’ancienne Yougoslavie. Le cadre politique, quand la Russie assume, pour atteindre son objectif de conquête, de mettre en cause la sécurité alimentaire mondiale, la sécurité énergétique, ou la sécurité du site de la centrale nucléaire de Zaporijjia.

Nous avons fait le choix d’aider l’Ukraine à défendre sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale, car en l’attaquant, c’est aux principes mêmes de l’ordre international que s’en prend la Russie. C’est aussi à un État animé par le désir de vivre libre et de vivre en paix ; un État dont l’héroïque résistance est l’expression la plus éclatante de son aspiration à la liberté. Cette résistance, j’ai pu en mesurer la force et la détermination sur place, à Kiev, où je me suis rendue par deux fois déjà : quelques jours après ma prise de fonctions, puis aux côtés du Président de la République, à l’initiative d’une visite conjointe avec ses homologues allemand, italien et roumain.

Nous resterons, vous le savez, aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. Nous avons fait le choix de soutenir l’Ukraine car elle se bat pour des valeurs que nous partageons, celles qui unissent les démocraties, celles que la Russie veut détruire.

Et en effet, le trait particulier de ce nouvel impérialisme, c’est d’être doté d’un agenda idéologique décomplexé. Il ne s’en prend pas seulement aux territoires des autres États, mais à un modèle de société, le nôtre, et à tout ce qui peut être perçu comme une menace existentielle par un pouvoir autoritaire. Au-delà du conflit de l’Ukraine, le rétrécissement de l’espace démocratique est une tentation dont vous êtes nombreux à pouvoir mesurer les conséquences, là où vous êtes, que vous voyez sous vos yeux. Du Venezuela à l’Afghanistan, du Mali à la Biélorussie, des limites sont imposées à la société civile : les oppositions sont bâillonnées, la liberté de la presse s’étiole, l’indépendance de la justice recule, l’égalité des droits n’est plus garantie.

Or les régimes autoritaires sont, par définition, par construction même, plus prompts à oser l’affrontement direct. Ceci a des implications pour nous. Le passage d’un gouvernement démocratique à une junte militaire emporte avec lui la tentation de l’agressivité. C’est ainsi qu’au Mali nous voyons progresser les groupes terroristes armés dans tout le pays, les Maliens déplacés par milliers, tandis que le régime, auteur d’un double coup d’État, s’en prend un jour au Danemark, le lendemain à la Côte d’Ivoire, et toujours à la France, pour tenter de faire oublier qu’il navigue à vue, d’échec en échec, attelé à un groupe de mercenaires russes. Pourtant, en janvier 2013, c’est bien la France, par son intervention, qui a permis que Bamako ne connaisse pas le sort de Mossoul, un an plus tard.

Nos démocraties elles-mêmes sont traversées par des courants qui les fragilisent dans un contexte de polarisation. Des puissances étrangères cultivent la division en notre sein. Elles avaient intérêt au Brexit, comme elles ont intérêt à voir, dans nos sociétés, croître le chauvinisme et le séparatisme.
Cette volonté de tout conflictualiser s’étend désormais à de très nombreux domaines.

La crise pandémique de 2019 à 2021 nous a clairement démontré que, face à un défi sanitaire mondial, la tentation du chacun pour soi reste présente. Nous avons ainsi vu, au plus fort de la crise, des pays instrumentaliser à des fins politiques leur poids dans la production de biens ou d’équipements de santé.
Il est aussi vrai que les conséquences du changement climatique sur les ressources engendrent de nouveaux rapports de force. Les achats massifs de terres agricoles par la Chine sur tous les continents démontrent par exemple combien certaines puissances s’y préparent et agissent.

Demain, de nouveaux enjeux pourront être affectés par cette logique : la haute mer, où un véritable pillage des ressources se développe, et où la liberté de navigation est chaque jour plus contestée ; l’espace extra-atmosphérique et les pôles, où nous avons réussi, jusqu’ici, à éviter que s’impose la loi du plus fort ; la biodiversité même, dont la maîtrise pourrait devenir un enjeu de sécurité.
Or, ce que nous voyons c’est que la volonté de trouver des compromis le cède chaque jour un peu plus au désir d’imposer ses vues sans compromis, ou en assumant des blocages. Nous l’avons constaté il y a encore quelques jours lorsque la Russie, et la Russie seule, a bloqué l’adoption d’un document final consensuel sur un enjeu de sécurité commun à l’ensemble des États.
Mon second point est que dans cet environnement dégradé, il nous faudra assumer une diplomatie combative.

Chacun de nos concitoyens peut aujourd’hui l’éprouver : nous sommes dans un moment grave, un moment de bascule - comme on le dit souvent - des équilibres mondiaux et un moment dans lequel notre diplomatie devra se concentrer sur les intérêts essentiels de la Nation, et les défendre avec les atouts qui sont les nôtres, qui sont les vôtres, c’est-à-dire compétence, engagement, polyvalence et universalité du réseau, haut niveau d’intégration et d’influence dans les enceintes multilatérales, mais aussi détermination et combativité.

Pour cela, nous pourrons compter sur les leviers de puissance que sont nos alliances et nos partenariats. Ces alliances et ces partenariats, il faudra les renforcer, les approfondir, mais il faudra aussi, je vous le disais hier, les renouveler et les diversifier : ne tenons rien pour acquis.

Notre premier centre de gravité, le plus évident, le plus vital, c’est l’Europe.
Et avec le soutien de Laurence Boone, je m’y consacrerai pleinement. Notre prospérité autant que notre sécurité dépendent d’abord des succès de l’Union européenne. Plus profondément encore, nos modes de vie démocratiques en dépendent car notre Europe est une communauté libre reposant sur l’État de droit. Je le dis fortement, les crises ne nous feront pas oublier l’essentiel. Il n’y aura aucune baisse de notre ambition, aucun renoncement aux conditionnalités, aucune tolérance pour ceux qui veulent les fonds européens mais rejettent le fondement de l’Europe : la démocratie et les libertés.

Pour assurer cette mission, et dans ce contexte international difficile, nous avons besoin d’une Europe forte, d’une Europe puissance. Qu’il s’agisse de l’énergie, de la défense, des chaînes de valeurs les plus critiques, nous ne sommes désormais plus les seuls en Europe à le penser. C’est un grand progrès. Lorsque la guerre a été déclarée à nos portes, tous les États membres ont eu un réflexe européen. Nous avons réussi collectivement, tout au long de notre présidence du Conseil, à nous mobiliser pour appuyer l’Ukraine face à la Russie, dans tous les domaines : sanctions d’une ampleur inédite, soutien militaire, accueil des réfugiés, aide humanitaire, lutte contre l’impunité, aide économique massive, appui à l’exportation des céréales, dont dix millions de tonnes ont pu déjà quitter l’Ukraine grâce aux corridors de solidarité. Nous l’avons fait tout en accélérant l’agenda de souveraineté sur les plans énergétique, militaire, numérique, commercial, qui étaient au cœur de notre agenda prévu de la PFUE. Les résultats de cette PFUE, vous les connaissez tous, ont été unanimement salués, de la boussole stratégique au paquet climat, en passant par l’adoption des deux textes fondamentaux que sont le DSA et le DMA, qui ont jeté les bases d’un ordre public numérique, européen aujourd’hui et mondial demain.

Cette mobilisation et cette résolution européennes n’ont échappé ni à nos amis, ni à nos ennemis, ni même à ceux qui nous observent, sans prendre parti, ou sans savoir prendre parti. Ils nous observent tous. Or, la puissance, vous le savez, se manifeste aussi dans le regard des autres. Nous devons y penser.

Mais notre travail n’est pas terminé. L’Europe doit mener trois révolutions à leur terme pour devenir ce que j’appellerais non seulement une Europe « puissance », mais une Europe de « pleine puissance », qui est tout simplement la condition et l’instrument de notre indépendance.

En premier lieu, le renforcement de nos capacités nationales et collectives de défense. De réels progrès ont été faits, d’importants engagements ont été pris. Nous devrons dans les prochains mois les traduire sur le plan concret. Je pense à l’opérationnalisation de l’instrument d’acquisitions conjointes d’armement, annoncé par le Commissaire Thierry Breton, bien nécessaire ; à la mise en place d’ici 2025 d’une capacité européenne de déploiement rapide, ou encore aux programmes communs d’armement. Il n’y a pas d’Europe puissance sans Europe de la défense. Et il n’y aura pas d’Europe de la défense sans des budgets de défense. Les hausses annoncées par des pays comme l’Allemagne, bien sûr, mais aussi la Suède ou les Pays-Bas, à moindre titre l’Espagne, ou d’autres, ou la fin de l’opt out danois, ce sont autant de passages à l’acte qu’il faut saluer et encourager.

Cette Europe de la défense ne se définit pas d’ailleurs, évidemment, comme une alternative à l’OTAN. De ce point de vue, je suis fière d’avoir défendu au nom du Gouvernement le projet de loi permettant la ratification de l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, deux nouveaux membres européens qui viendront renforcer notre alliance.

Deuxième révolution, celle de l’indépendance énergétique de l’Union. Dans les prochains mois, nous sortirons progressivement de notre dépendance collective au pétrole russe, puis au gaz. La solidarité européenne s’organise pour les hivers prochains. Mais il faut faire plus. Alors que la Russie utilise à plein l’arme énergétique pour déstabiliser l’Europe, alors que la Chine prend méthodiquement le contrôle des chaînes de valeur dans le domaine des énergies renouvelables, nous n’avons d’autre choix que d’accélérer : diversifier nos approvisionnements, accélérer le développement de nouvelles capacités de production d’énergie décarbonée, y compris par le nucléaire, rouvrir le débat sur la limitation des prix d’achat de certaines sources importées.

Troisième révolution, qui est en cours, c’est celle d’une Europe stratège. L’Union européenne a pris une décision historique en octroyant le statut de candidat à l’Ukraine et à la Moldavie. Elle a aussi pu lancer les négociations d’adhésion - enfin, devrais-je dire - avec la Macédoine du Nord et l’Albanie. Notre intérêt stratégique est d’arrimer le plus solidement possible les Balkans occidentaux à l’Union européenne. Et c’est parce que le chemin vers l’adhésion est un chemin exigeant que le Président de la République a proposé la Communauté politique européenne, qui ne sera pas un substitut, qui ne sera pas une alternative, mais qui répondra à l’urgence de gérer ensemble les défis qui concernent l’ensemble du continent européen au-delà de la seule Union européenne : sécurité, santé, connectivité, énergie, pour citer quelques exemples.

Enfin, cette approche stratégique commune doit renforcer notre unité. Le déclin progressif mais constant du format qui fut jadis le 17+1 doit à cet égard nous réjouir. Il révèle qu’un nombre croissant d’États membres comprend que l’unité est notre meilleure garantie pour peser. Et la mise en place progressive d’instruments de défense commerciale autonomes témoigne de notre volonté collective de protéger notre marché intérieur, comme lorsque la Lituanie est ciblée, nous l’avons fait, tout en utilisant le pouvoir d’attractivité de l’Europe pour diffuser nos propres règles de concurrence équitable et durable. Les nouveaux outils européens sur la réciprocité, la lutte contre les subventions étrangères, et bientôt je l’espère la coercition économique, incarnent cette ambition. Ce n’est pas seulement la fin de la naïveté, pour reprendre un terme qui a beaucoup été utilisé au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dans sa partie européenne, ce n’est pas seulement la fin de la naïveté, c’est le début de la contre-offensive.

A ces trois révolutions européennes, il nous faudra sans doute aussi ajouter nos propres révolutions internes. Nous avons su convaincre que l’Europe souveraine était un but légitime. Cela n’allait pas de soi, il y a cinq ans, je le disais brièvement tout à l’heure. Nous avons eu un niveau d’ambition élevé, voire même très élevé, pour notre présidence du Conseil de l’Union européenne. Nous avons su donner les impulsions nécessaires et parfois bousculer les dogmes de nos partenaires. Une nouvelle phase s’ouvre, nous avons passé le relais ; une phase dans laquelle nous devrons être encore plus à l’écoute de la vision de l’Europe que peuvent avoir les autres États. Ensuite, il nous faudra poursuivre la réflexion, comme toujours, sur le mode de fonctionnement de l’Union et les éventuelles adaptations institutionnelles. Le président de la République l’a souligné à plusieurs reprises : il ne doit y avoir aucun tabou à cet égard. Car au fond, tout ce qui rend l’Europe capable d’agir plus efficacement sert notre intérêt national. La ligne est claire.

Pour cela, nous devrons bien sûr travailler avec l’Allemagne, et le Président a confirmé hier combien le discours du chancelier Scholz pouvait ouvrir, pour nous aussi, de nouvelles perspectives. Nous devons mettre à profit la période qui s’ouvre pour définir et mettre en œuvre une feuille de route commune, qui nous permettra de renforcer encore notre relation bilatérale. Le prochain Conseil des ministres franco-allemand sera un moment clé pour cette ambition commune. Je rappelle que nous fêterons en janvier prochain le 60ème anniversaire du Traité de l’Élysée, traité qui scelle l’amitié entre nos deux pays. Je souhaite dans ce cadre que nous continuions, ensemble, à contribuer à la consolidation d’une Union européenne tournée vers l’avenir, solidaire, souveraine et efficace, non pas pour imposer une vision franco-allemande aux autres, mais pour jouer le rôle d’impulsion si précieux, je dirais même indispensable, qui est celui du couple franco-allemand.

Après l’Union européenne, nos autres points fixes ce sont nos alliés et partenaires stratégiques.

Nos alliances et nos partenariats sont en quelque sorte notre capital diplomatique. Nous avons hérité de certains, nous en avons bâti de nouveaux et nous devons continuer.

D’abord, le partenariat transatlantique auquel la guerre en Ukraine donne une importance renouvelée. La France continuera d’être un allié exemplaire. Présente sur le terrain, dans les pays baltes comme en Roumanie dans le cadre des mesures de réassurance au bénéfice des partenaires européens du flanc oriental, elle agit dans un cas en étroite relation avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, et dans l’autre en tant que nation-cadre, avec nos partenaires belges puis néerlandais. Qu’il ait pour cadre l’OTAN ou l’Europe de la Défense, le renforcement des liens entre nations européennes contribue toujours à notre sécurité collective. La France continuera également de porter la même exigence de cohérence face à ceux de nos alliés qui apprécient la couverture de sécurité de l’Alliance mais s’activent pour contourner les sanctions ou pour coopérer militairement avec son plus direct adversaire, la Russie.

Ensuite, nous devrons continuer à consolider nos partenariats, partout où la France est présente, au titre notamment de ses territoires ultramarins, à commencer par l’Indopacifique.

L’Asie, on en parle beaucoup désormais, je veux en parler aussi, parce que c’est une évidence, est une zone de compétition intense entre puissances. Elle peut devenir demain un terrain de confrontation, nous l’avons vu il y a quelques semaines seulement avec les exercices militaires menés par la Chine autour de Taïwan, débouchant sur des tirs, dont certains ont atterri dans la zone économique exclusive du Japon.

Dans cette région du monde, la France continuera d’œuvrer à l’autonomie stratégique de toutes les puissances qui adhèrent à ces principes partagés de régulation d’un ordre international basé sur la règle de droit. L’Inde évidemment est et demeurera un partenaire essentiel en Asie : depuis un quart de siècle, un partenariat stratégique exceptionnel nous lie à ce pays, fondé sur le désir commun de l’autonomie au service de la stabilité internationale.

L’Inde, c’est au fond l’exemple le plus abouti pour nous de ce partenariat d’égal à égal que le Président de la République évoquait hier. Demain, l’Indonésie peut être un nouveau partenaire de premier plan. Et nous construisons avec l’Australie une nouvelle relation positive après la grave remise en cause du partenariat de sécurité par l’ancien gouvernement australien. Dans le cadre du partenariat d’exception qui nous lie au Japon, nous nourrissons enfin des ambitions à la mesure de ce que ce pays représente aujourd’hui dans l’espace Indopacifique.
En parallèle, nous devrons faire plus dans le Pacifique sud, où se joue un nouveau « grand jeu ». Le troisième référendum en Nouvelle-Calédonie, qui a confirmé le maintien de l’archipel dans la République, nous rappelle à quel point notre pays doit travailler avec ses voisins insulaires, le ministre des armées, nous le disait hier, à certains d’entre nous, parce que nous faisons face à des défis communs, de sécurité, de préservation des ressources ou d’adaptation au changement climatique.

Aussi stratégique pour notre pays et pour l’Europe est le partenariat avec l’Afrique. Nous devrons poursuivre la transformation des liens qui nous unissent à ce continent voisin.

Comme le reste du monde, l’Afrique connaît des crises, mais elle sera d’abord pour nous, dans les années qui viennent, une multitude de partenariats à inventer, d’opportunités de coopération à développer. Là aussi il faudra continuer de transformer notre approche dans le cadre de partenariats rénovés entre égaux, qui partent des besoins exprimés par nos partenaires, autant que de ceux que nous pouvons nous-mêmes exprimer. Nous savons que sur ce continent de nouvelles concurrences se manifestent, dont certaines de façon agressive ou sans scrupule. Pour notre part, nous devons apprendre à agir dans cet espace de plus en plus concurrentiel. C’est à nous de faire la démonstration que nous sommes le bon partenaire, le plus fiable, le plus respectueux, celui qui sera là dans les jours de succès comme dans les moments difficiles.

Notre politique reposera en permanence sur ces deux piliers : agir avec les États, dialoguer directement avec la jeunesse, les entrepreneurs et l’ensemble des forces des sociétés civiles, pour mieux comprendre et pour être mieux compris, pour mieux agir.

Agir avec les États, c’est confirmer notre engagement à soutenir la paix, la sécurité, la bonne gouvernance et le développement, comme je l’ai fait au mois de juillet au Niger avec le ministre des Armées. Nous resterons donc présents auprès des États africains qui le souhaitent, et en soutien des besoins qu’ils expriment souverainement, pour les appuyer dans la réalisation de leurs ambitions légitimes. Notre appui au développement économique, et notamment agricole, notre aide publique au développement dans le domaine des infrastructures, de la santé, de l’éducation, tout cela se fera ensemble. Les États africains sont parmi les plus durement touchés par les effets du changement climatique. Ils sont également parmi les plus jeunes de la planète. Ils ont donc des besoins et des attentes spécifiques, auxquels nous pouvons, nous devons contribuer à répondre. Et s’il y a des partenaires, nous y mettrons des moyens puisque nos ressources dédiées au développement continueront de croître.

Agir avec les États, c’est aussi renforcer nos coopérations avec les organisations régionales africaines, en premier lieu l’Union africaine, et c’est aussi soutenir l’intégration régionale et les efforts régionaux en matière de paix et de sécurité. C’est aussi promouvoir un partenariat plus politique entre l’Union européenne et l’Union africaine ; il y a à faire, nous le disions hier ; nous l’avons fait pour notre part en février dernier dans le cadre du sommet des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne et de l’Union africaine.

Agir avec les États, dialoguer avec les forces vives, dialoguer en particulier avec la jeunesse, si créative, si innovante, si prometteuse, qui représente la majorité de la population en Afrique, c’est le chantier ouvert à Ouagadougou en 2017, confirmé à Montpellier en 2021, et plus récemment, lors des déplacements du Président de la République au Cameroun, au Bénin, en Guinée-Bissau et, la semaine dernière, en Algérie. Ainsi a été posé le cadre de la transformation de notre relation avec le continent africain, avec une ambition qui est d’inventer ensemble l’avenir.

Aborder ensemble l’avenir implique bien souvent de commencer par naviguer ensemble dans notre passé commun. Vous l’avez compris. Nous devrons ainsi poursuivre le travail de mémoire engagé déjà avec le Rwanda, le Cameroun, l’Algérie. Sur le plan culturel, soyons plus ambitieux encore pour bâtir une coopération muséale notamment de grande qualité. Nous voulons aussi appuyer la création artistique sous toutes ses formes, littérature comme arts plastiques. Le Président nous en a parlé hier.

Cela implique également de mieux nous appuyer sur les diasporas, et je souhaite qu’elles jouent avec nous un rôle de premier plan dans cet effort de renouvellement de notre approche. Donc, travaillez avec elles, sollicitez leurs idées et leurs connaissances ; elles seront pour vous, sur le terrain, de puissants relais. David Diop, Alain Mabanckou ou Djailou Amadou Amal, prix Goncourt des lycéens, ce sont des visages et des voix françaises qui expriment avec finesse et profondeur toute la complexité et toute la force des liens qui unissent l’Europe et l’Afrique. Ce sont des passeurs indispensables.

Notre changement d’approche doit aussi passer par un changement d’image, car nous le savons bien, l’image que nous renvoyons au monde, et particulièrement dans cette partie du monde, est un enjeu stratégique. Il faut démonter les manipulations et couper court aux mensonges, mais il faut aussi reprendre la maîtrise de notre propre récit, de notre image. Le Conseil des ministres a nommé avant-hier une ambassadrice chargée de la diplomatie publique en Afrique, avec pour mission notamment d’assurer le partage des meilleures pratiques, de vous conseiller sur les actions possibles, et d’assurer une meilleure prise en compte par les opinions des initiatives et des actions de la France. Votre implication personnelle est nécessaire, je dirais même qu’elle peut être déterminante.
J’en viens à mon troisième point. Notre action diplomatique, notre action européenne, nos partenariats servent une vision : celle qu’il y a une commune humanité.

Le premier élément de notre commune humanité, c’est notre égale aspiration aux droits et aux libertés.

Vous êtes les représentants de la République, d’un État profondément démocratique, dont le préambule de la Constitution rappelle que « tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». La défense de la liberté est aussi un enjeu d’intérêt national face aux attaques de plus en plus nombreuses venues de l’extérieur. Je l’ai évoqué, je parle de tous ceux qui, acteurs étatiques ou non-étatiques, cherchent à semer le trouble chez nous, par la manipulation de l’opinion, par la division, ou en appuyant les séparatismes au sein de notre société. C’est la même main obscurantiste qui frappe Charlie Hebdo et Salman Rushdie. Il faut l’arrêter.

Il y aussi là une question internationale. La France n’a jamais été la tenante de l’interventionnisme démocratique. Elle agit sans injonction ni ingérence, pour reprendre les termes du Président de la République hier. Mais elle agit.
Notre diplomatie intègre donc la question démocratique et celle des droits, parce que nous avons la conviction que chaque être humain est également digne de jouir des droits fondamentaux. C’est ce que nous faisons par exemple au Conseil des droits de l’Homme. Personne n’a à se résigner à une existence privée de liberté. C’est ce qu’osait écrire le grand auteur soviétique Vassili Grossman dans son roman Vie et Destin, dont la relecture dans le contexte d’aujourd’hui est particulièrement édifiante, nécessaire peut-être, je le cite : « l’aspiration de la nature humaine à la liberté est invincible ». Cette conviction, forgée au cœur de l’expérience du totalitarisme, doit nous guider.

En ce domaine comme dans les autres, notre diplomatie agira d’abord sur le terrain, où elle est confrontée à ce que le Président de la République appelait hier la « compétition des universalismes ». Elle doit participer activement à élargir l’espace de la démocratie et des droits partout où cela est possible. C’est une priorité du Président de la République, réaffirmée lors du lancement de l’initiative Marianne, par exemple, en décembre 2021, de soutien aux défenseurs des droits de l’Homme dans le monde. Je souhaite que nous puissions amplifier ce mouvement par la mise en place dans chaque ambassade, où cela est pertinent, d’un plan de « résilience démocratique », développé sous votre autorité et regroupant l’ensemble des moyens du ministère, notamment le volet « société civile » des Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), et les moyens des opérateurs ou transitant par des canaux multilatéraux. Cette stratégie intégrera également les moyens de notre diplomatie culturelle qui assure bien souvent un espace de débat et de circulation des idées, dans des lieux où ils sont remis en cause.

Dans ce cadre général, continuons d’agir pour la protection de ceux qui œuvrent pour les libertés individuelles, acteurs associatifs et humanitaires, journalistes, avocats par exemple. D’agir en faveur de ceux qui sont opprimés ou poursuivis pour ce qu’ils sont, minorités religieuses dont certaines, comme les Yézidis d’Irak, ont été les victimes du projet génocidaire de Daech, ou membres des communautés LGBTQ+ pour lesquelles nous aurons, d’ici à la fin de l’année, une ou un ambassadeur dédié, comme la souhaité la Première ministre. Enfin, parce qu’aucune société ne peut se développer sans égalité entre les femmes et les hommes, continuons à faire de notre diplomatie féministe un élément central de notre action. Par exemple, vous devez continuer à vous mobiliser pour le droit à l’éducation des filles, dont la tragédie que représente le retour des Talibans à Kaboul nous rappelle qu’il n’est jamais acquis, pour les droits sexuels et reproductifs, remis en cause au cœur même d’une grande démocratie comme les États-Unis d’Amérique, ou pour l’égalité des droits, l’égalité de traitement devant la loi.

Cet agenda démocratique devra tenir compte du développement massif des nouveaux médias dans nos vies. Là encore, la France joue un rôle moteur. Je pense à la nouvelle législation DSA sur les services numériques, évoquée tout à l’heure, adoptée sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Elle permettra de lutter contre la diffusion de contenus illicites en ligne, comme les incitations à la haine ou à la violence. Je pense à l’Appel de Christchurch pour supprimer les contenus terroristes et extrémistes violents en ligne, lancé par le Président de la République et la Première ministre néo-zélandaise. Je pense aussi au Partenariat pour l’Information et la Démocratie, qui vise à promouvoir l’accès, notamment en ligne, à une information fiable, de qualité, en plusieurs langues, issue de médias libres, indépendants et pluralistes. Deux Sommets, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à la fin du mois, permettront de consolider ces coalitions. Et sur le plan national, l’audiovisuel extérieur public restera un acteur clé de cet effort.

Dans le cadre des États généraux du droit à l’information, que nous mènerons conjointement avec ma collègue ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, j’entends réfléchir avec vous aux meilleurs outils pour nous prémunir contre les ingérences étrangères. Nous devons faire plus. J’entends agir avec vous pour définir le cadre européen commun qui nous permettra d’agir plus efficacement et de soutenir à l’étranger les médias libres. Cela implique que vous soyez plus encore plus présents dans les espaces virtuels où se jouent les relations internationales, pour faire connaître votre action comme vous le faites, mais aussi pour démonter toutes les fausses informations, lutter contre ces ingérences, être plus actifs ou proactifs, comme on le dit chez nos amis belges. C’est un terrain à part entière de notre action désormais. Cela fait partie de votre mission de diplomate.

Notre commune humanité, c’est évidemment aussi notre environnement, qu’il faut préserver des logiques de concurrence et des entreprises de prédation. Des compétiteurs qui suivent des trajectoires divergentes doivent pouvoir se retrouver sur ce point. Nous voulons le croire. Il est ainsi impensable d’espérer résoudre les enjeux globaux auxquels nous sommes confrontés sans la Chine, qui est le principal émetteur de CO2. C’est la raison pour laquelle nous devons continuer à trouver des accords partout où cela est possible, car nous devons éviter que reviennent les logiques de blocs qui paralyseraient la diplomatie, y compris dans les domaines comme l’environnement ou le climat, où la recherche de solutions relève de l’urgence. Je ne dis pas que ce sera facile, considérant l’extension nouvelle des logiques de compétition. Pour autant, j’ai confiance dans notre capacité à y parvenir et ce, pour une raison simple : ce que l’on a qualifié de « brutalisation » des relations internationales, à juste titre d’ailleurs, n’a pas attendu la guerre en Ukraine, car on ne peut pas dire que la décennie écoulée ait été beaucoup plus paisible que le siècle précédent.

La France a toujours eu à cœur de promouvoir une diplomatie humaniste, et elle continue depuis la COP21, et plus encore depuis 2017, elle a continué d’avancer résolument à rechercher ces terrains d’entente communs et à les forger, autant qu’elle le peut. De l’Alliance pour les forêts tropicales à la coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, en passant par l’Alliance pour le multilatéralisme, par le One Ocean Summit de Brest, ou bientôt par la prochaine Conférence des Nations unies sur les océans, que nous souhaitons organiser en France en 2025, de l’initiative ACT-A à notre implication dans le cadre du mécanisme COVAX, où nous avons tenu et même dépassé que nous nous étions donné avec 124 millions de doses, nous avons su repousser les murs, nous avons su éviter les chocs dans un nombre considérable d’occasions. Nous pouvons le faire. Continuons. Le rendez-vous annuel du Forum de Paris pour la Paix nous offre aussi une autre plateforme pour chercher de nouvelles opportunités de faire vivre cette diplomatie des biens communs et des projets concrets.

Dans l’année qui vient, nous devrons poursuivre inlassablement cet effort au moins dans deux domaines prioritaires.

Le premier est la baisse des émissions de gaz à effet de serre. C’est le chantier urgent des années qui viennent, à l’intérieur de nos frontières comme à l’international. La COP27 se tiendra du 7 au 18 novembre à Charm el-Cheikh, alors que la guerre en Ukraine remet notre dépendance aux énergies fossiles au premier plan. Nous devrons y transcender la division Nord-Sud, qui n’a aucun sens face à l’emballement du changement climatique qui concerne toute la planète.

Le deuxième enjeu, c’est la sécurité alimentaire. Il s’agit de pallier à court terme l’aggravation de la sécurité alimentaire née de la guerre en Ukraine, et à moyen terme de répondre aux défaillances structurelles du marché mondial des produits agricoles. Des résultats ont été obtenus à l’OMC, au PAM et au FIDA, résultats qu’il faut consolider. Cela nécessite de nouveaux partenariats, en particulier avec les acteurs privés au sein de la coalition d’action que j’ai lancée le 23 juin dernier avec mon collègue de l’agriculture Marc Fesneau, dans le cadre de l’initiative FARM, lancée par le Président de la République, reprise par l’Union européenne et le G7, avec les acteurs privés, avec les pays bénéficiaires, et notamment avec les pays africains.

Notre commune humanité a, enfin, un cadre pour agir : c’est le nôtre, c’est celui du multilatéralisme.

Nous poursuivrons, avec les Européens, notre soutien résolu aux organisations internationales, à commencer par les Nations unies. Au Conseil de sécurité, l’abus du veto ne fera jamais taire notre voix en faveur du droit, en faveur de la paix. A New York, Genève, Rome ou Nairobi, nous appuierons le Secrétaire général, les agences, fonds et programmes, pour agir face aux crises, promouvoir les droits de l’Homme et favoriser un développement durable pour tous.

Certaines organisations techniques, comme l’AIEA ou l’OIAC, voient leur impartialité contestée par ceux qui n’aiment pas leurs conclusions, comme celle pourtant évidente, que le régime de Damas a utilisé contre sa population des armes chimiques, et que des conséquences doivent en être tirées. D’autres sont soumises à des pressions plus ou moins ouvertes, comme hier l’OMS ou la Cour pénale internationale, de la part de la précédente administration américaine.
Nous serons toujours, pour notre part, les soutiens du système multilatéral ; car l’ordre international a besoin d’impartialité, de consensus et de règles. Nous avons noué des partenariats solides pour défendre cette méthode, en Europe, en premier lieu, et hors Europe, notamment avec nos amis d’Amérique latine, qu’il s’agit peut-être de cultiver davantage.

Notre commune humanité, nous la servons également en agissant là où les fractures menacent de s’aggraver, je citerai quelques situations régionales.
Au Sahel, nous en avons déjà parlé, notre retrait militaire du Mali ouvre une nouvelle page. Nous continuerons à marcher sur nos deux jambes : d’une part, nous aiderons nos partenaires à lutter contre les groupes terroristes armés qui tentent de les déstabiliser, car c’est indispensable pour assurer notre propre sécurité. Mais nous le ferons en étant davantage en appui, dans une logique de responsabilisation et de montée en puissance de nos partenaires, et en fonction de leurs demandes. L’approche sécuritaire seule n’est pas suffisante. C’est pourquoi il est indispensable qu’elle s’accompagne, d’autre part, de projets de développement et de stabilisation, d’un retour des services de l’État, et d’une amélioration de la gouvernance. Nous serons aux côtés des pays qui portent cette approche.

Nous devrons également tirer les conséquences des recompositions stratégiques en cours au Moyen-Orient. Notre diplomatie est en effet celle d’une puissance d’équilibre. Non pas que nous nous placions à équidistance de tous, car nous connaissons notre place, nos alliés et nos partenaires, je l’ai dit. Mais parce que nous recherchons l’équilibre et entendons empêcher ceux qui cherchent à ajouter au désordre, à déséquilibrer les rapports internationaux.

La perspective du retour de l’Iran dans le JCPOA, le président de la République l’a rappelé, la balle est aujourd’hui dans le camp de Téhéran. Dans le même temps, l’Iran continue de chercher à étendre son emprise aux dépens de la souveraineté et de la sécurité de ses voisins et ne renonce en rien à sa rhétorique hégémonique. Le sujet de la sécurité au Moyen-Orient ne se limite donc pas à la question nucléaire. Nous aurons à faire des propositions pour renforcer la sécurité régionale d’une part, et d’autre part pour préserver l’espace de dialogue ouvert par la Conférence de Bagdad, l’été dernier.

Notre engagement impartial en faveur de la souveraineté et de la stabilité de l’Irak ne s’est jamais démenti. Alors que l’Irak traverse la pire crise politique depuis 2003 et a connu ces derniers jours une flambée de violence, nous pouvons contribuer à encourager une dynamique de désescalade et de dialogue inclusif.
Les Accords d’Abraham sont également un signal du changement. Ils accélèrent la dynamique d’inclusion d’Israël dans son environnement régional, c’est une bonne chose, il faut le poursuivre. Mais les Accords d’Abraham sont aussi incomplets. Tout en accompagnant la logique d’intégration économique régionale qu’ouvrent ces accords, nous devons rester mobilisés pour restaurer un horizon politique à la question palestinienne. Notre soutien à la sécurité d’Israël va de pair avec notre attachement au respect du droit international, dont nous attendons d’une démocratie qu’elle l’applique scrupuleusement. Il va également de pair avec notre affirmation d’un droit égal à la dignité et à la souveraineté pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, c’est-à-dire une solution à deux États, la seule souhaitable.

Le Liban est à bout de souffle et la gravité de la crise économique est sans précédent. Notre responsabilité est de soutenir le peuple libanais, épuisé, mais aussi d’user de notre influence pour faire cesser l’incurie et les abus. Des motifs d’espoir existent : des élections législatives se sont tenues, un accord technique a été signé avec le FMI. Mais sans sursaut des responsables libanais, l’effondrement du Liban se poursuivra. Notre vigilance sera donc entière, pour que les responsables libanais répondent à cette exigence de réformes et de justice qui est celle des Libanais eux-mêmes.

Enfin, la stabilité de l’espace méditerranéen est plus vitale encore. C’est en Méditerranée que se jouent, en grande partie, notre sécurité, notre prospérité, notre avenir écologique et climatique. Nous devons faire face à ces enjeux collectivement. C’est pourquoi nous poursuivrons l’approfondissement et la rénovation de nos partenariats avec les pays du Maghreb. La visite du président de la République en Algérie a jeté les bases d’un partenariat renouvelé entre nos deux pays, tourné vers l’avenir, tourné vers la jeunesse. Cette ambition, nous la portons aussi pour redynamiser la coopération et les échanges avec le Maroc, pays avec lequel nous entretenons un partenariat d’exception. Et en Tunisie, pays également cher à notre cœur, engagé dans un processus de transition, nous devons continuer à soutenir la population affectée par une grave crise économique. Cette ambition doit avoir pour guide nos intérêts communs de sécurité au sens large, mais aussi prendre pleinement en compte l’aspiration des populations à un monde plus juste et plus libre, dans lequel leur dignité et la règle de droit sont respectées.

Nous continuerons d’agir pour résorber le chaos en Libye et travailler à sa stabilisation. Notre diagnostic est le bon : seules des élections permettront de résoudre la crise de légitimité dont souffrent les institutions libyennes, et qui ne font que faciliter les ingérences d’acteurs motivés par d’autres préoccupations que les nôtres. C’est le désir des Libyens d’aller de l’avant, il faut les aider à réaliser ce désir.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Je pourrais évoquer bien d’autres situations régionales, mais je voudrais en venir à ma quatrième et dernière partie. La France va exiger beaucoup de vous, dans les mois et les années à venir, et le Gouvernement vous donnera en retour les moyens d’agir. Le temps du « réarmement » de notre diplomatie est venu.
En premier lieu vous pouvez compter sur un soutien de poids. Ce soutien, c’est celui des Français.

COVID, Afghanistan, Ukraine, je vais commencer par cela : la diplomatie française a acquis, au cours des trois dernières années, un réel capital de confiance. Elle a confirmé qu’elle était non seulement un instrument d’influence et de puissance au service d’une France indépendante et forte, mais aussi un service public fiable et performant. C’est un atout formidable. Ce capital de confiance, continuez à le faire grandir.

L’important exercice d’ouverture entamé par ce ministère doit aussi se poursuivre. Il contribue à mieux faire connaître notre action et nos métiers, à mieux les faire comprendre. L’Académie diplomatique d’été, le programme « empreintes », vos déplacements dans les régions doivent se poursuivre et vous permettre d’entretenir le contact avec les Français, les élus locaux, les acteurs de la vie associative et bien sûr, encore plus qu’auparavant, avec les Parlementaires, comme nous l’a rappelé, à tous les membres du Gouvernement, la Première ministre. Beaucoup des Parlementaires sont là avec nous, aujourd’hui, comme ils le sont tout au long de l’année ; je les en remercie et je les salue chaleureusement.

Pour consolider ce lien, notre action doit toujours être en prise avec en tête les préoccupations de nos compatriotes.

Les Français attendent de nous que nous les protégions lorsqu’ils voyagent ou lorsqu’ils vivent à l’étranger. Nous continuerons bien sûr, par ailleurs, de nous mobiliser sans relâche pour obtenir la libération de nos compatriotes détenus en otage ou condamnés sur des fondements politiques. Nous continuerons de nous mobiliser sans relâche pour assurer la sécurité des Français en temps de crise.
Outre la sécurité et la défense de nos valeurs, les Français attendent de nous que nous soyons au service de leur vie quotidienne. Les inquiétudes sur le pouvoir d’achat sont grandes. La diplomatie économique, qui est au cœur de nos métiers depuis toujours, a permis à nos ambassades de s’approprier pleinement les sujets liés au commerce extérieur et à l’attractivité.

Sous l’étendard Choose France et grâce aux réformes de compétitivité qui ont été menées lors du précédent quinquennat, nous avons fait de la France le pays le plus attractif d’Europe en termes de projets d’investissements étrangers. C’est le cas pour la troisième année consécutive. Avec Olivier Becht nous travaillerons à la consolidation d’une « Marque France ». En lien avec Business France, avec nos régions et avec l’ensemble des acteurs de l’attractivité, je vous demande d’appliquer avec lui, avec nous, un principe simple : il faut jouer tous les ballons, et il faut les jouer en équipe.

Notre diplomatie doit être une diplomatie de résultats et chaque résultat compte s’il permet de contribuer à ce que nous souhaitons pour la France : plein emploi, croissance, réindustrialisation. La création, même d’une dizaine emplois, dans une petite ville, c’est un succès à part entière. Pour ne pas parler des 6,7 milliards d’euros d’investissements annoncés lors du dernier sommet Choose France.

Notre diplomatie économique doit permettre à nos entreprises de se projeter encore plus efficacement partout dans le monde. Le déficit, je devrais dire l’important déficit du commerce des biens cache des tendances de fond positives qu’il nous faut amplifier. Un exemple : malgré la pandémie, nous avons vu, ces dernières années, le nombre de nos entreprises exportatrices battre des records et dépasser désormais les 138.000, contre 120.000 en 2017. C’est encourageant, mais ce n’est pas assez, en comparaison du tissu exportateur de nos voisins. Vous pourrez vous appuyer sur le partenariat solide noué en 2018 avec Business France, les régions, Bpifrance et CCI France au sein de la Team France Export, que je souhaite, et Olivier à mes côtés, encore approfondir.

Pour les Français de l’étranger, l’école doit rester au cœur de nos préoccupations : nous renforcerons le réseau d’enseignement d’excellence à la française, via le réseau d’écoles françaises à l’étranger, qui est aussi peut-être l’un de nos meilleurs vecteurs d’expansion de la francophonie et d’une façon de voir le monde, de nos valeurs. Notre objectif doit être aussi de remettre la France sur le podium des nations les plus attractives pour les étudiants internationaux, façon fort diplomatique de dire que nous avons reculé et qu’il faut renverser cette tendance.

Être proches des préoccupations et des intérêts de nos compatriotes, comme je vous le demande, c’est aussi, pour notre réseau diplomatique, être présents dans les grands rendez-vous qui rassemblent les Français. Dans moins de deux ans maintenant, il en est un qui prendra pour la France une dimension historique, ce sont les JO de 2024. Nos paysages, nos villes, nos savoir-faire, notre économie seront présentés au monde entier. Je remercie ma collègue Amélie Oudéa-Castéra d’avoir accepté hier d’évoquer avec vous ce sujet. J’espère qu’elle vous a dit le fond de ma pensée. Nous avons 70 Ambassades qui sont d’ores et déjà associées à cette échéance majeure que sont les Jeux olympiques via le Label « Terre des Jeux » : je souhaite que ce nombre puisse doubler d’ici à l’été prochain. C’est possible.

Venons-en enfin à nos moyens, auxquels nous consacrerons aussi une session particulière cette après-midi.

Les attentes des Français à votre égard sont importantes, et le contexte international justifie, bien sûr, vous le savez mieux que quiconque, que la France prenne résolument le chemin du renforcement de ses fonctions régaliennes.
Nos armées ont vu ces dernières années leurs moyens progresser, ce qui nous permet aujourd’hui de tenir notre rang. Nous devons également augmenter notre ambition diplomatique, ce qui implique aussi d’augmenter nos moyens : c’est ma priorité et mon engagement auprès de vous. L’aide publique au développement continuera la croissance importante, manifeste, entamée depuis 2017. Cette année, ce sont 860 millions d’euros supplémentaires pour 2023 qui seront proposés à l’approbation du Parlement.

Épaulée par Chrysoula Zacharopoulou, je serai toujours vigilante à ce que les moyens qui nous sont ainsi confiés répondent aux priorités politiques fixées par le Président de la République et par la Première ministre, qui seront prochainement réaffirmées et adaptées, s’il le faut, à l’occasion d’un Conseil Présidentiel du Développement, puis déclinées lors d’un CICID au début de l’année prochaine. Car notre politique de développement est un élément à part entière de notre politique étrangère. La loi de programmation de 2021 en tire les conséquences, en renforçant le pilotage politique de l’APD, dont l’Agence française de développement est le principal opérateur. C’est vrai à Paris et c’est vrai à l’étranger. Je vous demande d’en être les garants, en animant les conseils locaux du développement, et en mettant en place les stratégies pays attendues de vous.
Mais je voudrais également dire aujourd’hui que grâce au soutien du Président de la République et de la Première ministre, que je remercie très vivement, la mission « action extérieure de l’État » (c’est-à-dire les programmes 105, 151 et 185) verra ses crédits augmenter de 160 millions d’euros en 2023. Cette hausse consolide le processus d’augmentation progressive de nos moyens budgétaires entamée en 2018, mais à la hausse, sensiblement.

Concernant les emplois, je veux d’abord rendre hommage à mon prédécesseur, Jean-Yves Le Drian, qui avait réussi, l’an dernier, à stabiliser le nombre d’ETP, mettant ainsi fin, selon son expression, je crois le citer exactement, à l’hémorragie des emplois dans ce ministère. L’année prochaine, et le Président vous l’a dit, c’est la première fois depuis une trentaine d’années, depuis 1993, nous créerons des emplois. Depuis 1993, cela veut dire qu’aucun diplomate de moins de 55 ans n’a connu de hausse d’effectifs dans cette maison. C’est donc une vraie rupture, un vrai changement. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères verra ainsi son plafond d’emplois augmenter de 100 ETP cette année. Pour un ministère comme le nôtre, c’est un renforcement très substantiel de nos moyens humains.

Ces ressources nouvelles ont un effet sur votre quotidien professionnel. Ce n’est pas la même chose de travailler dans un centre de crise qui gère 30 millions d’aide humanitaire, comme c’était le cas en 2017, ou 200 millions, comme cette année. Lorsqu’elle se réunira en 2023, la conférence nationale humanitaire pourra prendre acte du chemin parcouru et notre pays pourra en être fier. Ce n’est pas la même chose non plus de travailler avec les organisations du système des Nations unies lorsque les contributions volontaires sont tombées à 105 millions d’euros, leur niveau de 2017, ou lorsqu’elles dépasseront 700 millions d’euros en 2023. Ce n’est pas la même chose d’être ambassadeur avec des Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) à 17 millions d’euros, comme en 2018, ou à 60 millions d’euros, comme aujourd’hui, et bientôt plus.
Ces moyens nouveaux doivent aussi nous permettre de catalyser et d’accentuer la modernisation de notre organisation et de nos méthodes. En matière budgétaire, comme pour les ressources humaines, il n’y aura pas de saupoudrage, mais je ferai des choix assumés, y compris pour améliorer le quotidien de cette administration. Je ne veux pas les présenter ici de manière détaillée, mais il va de soi que les questions politiques nouvelles, par exemple la priorité donnée à l’Indopacifique, la sécurité de nos emprises, le cyber, mais aussi notre capacité de réaction aux menaces informationnelles, feront partie de ces choix. Deux nouvelles sous-directions seront créées et permettront de mieux couvrir ces menaces.

En complément des moyens supplémentaires, et non pas en miroir, en complément, nous devons continuer à nous montrer adaptables et innovants. Je crois que le Président a dit « agiles ».
Ce sont des qualités essentielles du métier de diplomate. C’est plus que jamais nécessaire.

Il y a quinze ans, ce ministère a su innover avec la création du centre de crise et de soutien du quai d’Orsay, qui est probablement un de nos plus grands succès. Un outil polyvalent, ouvert aux compétences extérieures et mobilisable au service de notre appareil d’État. Je veux saluer l’efficacité avec laquelle ce centre coordonne aujourd’hui l’action de l’État dans la réponse aux crises consulaires ; nous l’avons vu avec l’Ukraine ; et crises humanitaires, comme notre aide au Pakistan l’illustre encore cette semaine. Une semaine entre l’appel à l’aide du Premier ministre pakistanais et le départ de notre aide, aujourd’hui même.

Je souhaite que la même logique s’étende à d’autres secteurs d’activité du ministère. En 2023, je souhaite par exemple que la DFAE puisse créer son propre centre de soutien spécialisé, de manière à ce que nous puissions venir en aide à ceux qui, dans le réseau consulaire, font face à des difficultés, répondre ainsi aux attentes légitimes des Français de l’étranger et des étrangers qui cherchent à entrer légalement sur notre territoire.

Cela concerne aussi la Direction générale de la mondialisation. La France est à la tête de nombreuses coalitions globales, sur des sujets toujours plus divers. La DGM doit donc pouvoir s’inscrire dans le schéma présenté hier par le président de la République, où ce ministère endosse pleinement le rôle de chef de file interministériel pour l’action internationale de l’État. Ce rôle, la DGM pourra l’endosser en mobilisant une diversité d’acteurs, en supervisant les opérateurs et en s’assurant que leur autonomie de droit ne se développe pas aux dépens de la réalisation des objectifs stratégiques de l’État dont nous sommes politiquement comptables. Elle doit pouvoir parler à la société civile, aux collectivités locales, intégrer leur expertise et leurs ressources, ainsi que celles de l’interministériel, au sein de task forces qu’elle pilotera, avec les moyens pour le faire. C’est un vaste chantier en vue de renforcer notre capacité à assurer le pilotage cohérent d’affaires globales dont la technicité ne cesse de croître.

Enfin, je veux que notre diplomatie soit encore plus innovante. Dès 2023, je souhaite que nous créions trois fonds de soutien à l’innovation, au sein du ministère : un fonds dédié aux innovations dans le domaine de notre diplomatie d’influence, afin que les propositions nouvelles de nos Instituts et services culturels et de coopération puissent bénéficier d’un appui pour leur amorçage ; un fonds pour la transition écologique et énergétique, afin d’appuyer des investissements permettant de réduire rapidement notre consommation d’énergie sur l’ensemble du réseau ; et en matière de communication, un fonds pour soutenir vos projets les plus ambitieux qui sera doté de 500.000 euros.
Enfin, et j’ai bien conscience que j’ai pris mes fonctions au moment où s’exprimaient au sein de notre maison des interrogations profondes, cristallisées en particulier autour de la réforme de la haute fonction publique, mais qui la dépassent largement, un petit mot sur nous-mêmes.

Des craintes qui se sont exprimées depuis des années autour du risque de dilution des spécificités du métier diplomatique sont manifestes aujourd’hui. Des difficultés se sont fait jour aussi, liées à une charge de travail parfois très lourde et croissante dans un contexte parallèlement d’attrition des moyens, de multiplication des missions et d’autonomisation des opérateurs ; liées aussi aux contraintes inhérentes à une vie faite d’expatriation souvent, en particulier pour la carrière des conjoints et l’éducation des enfants. Des critiques de nos procédures et de notre fonctionnement administratif sont revenues. Et je n’oublie pas les agents de catégorie B et C, les agents sous contrat, pour qui ces questions se posent avec autant d’acuité.

C’est pourquoi ce ministère a besoin d’un moment d’écoute, de dialogue et de réflexion pour redéfinir le sens de son action collective. Il y aura donc des « États généraux de la diplomatie ». Le Président de la République a bien voulu retenir cette idée. Il vous l’a dit hier. Nous devrons nous y poser des questions aussi simples que « Qu’est-ce qu’être diplomate aujourd’hui ? De quelles compétences avons-nous besoin ? Quelles conséquences devons-nous en tirer pour nos recrutements, pour le déroulement de nos carrières ? Comment garantir une meilleure diversité et une plus grande parité ? Comment faciliter la vie de nos agents et leur montrer que l’administration, qui demande beaucoup, agit aussi en soutien ? »

Ces questions, nous devrons y revenir ensemble, en tant que communauté diplomatique française. Avec le soutien du Président de la République et de la Première ministre, nous mènerons à l’automne ce vaste exercice de réflexion, ouvert sur l’extérieur, et qui doit permettre de traiter aussi bien du contexte diplomatique dans lequel nous opérons que des moyens et de l’organisation qui doit en découler ; des parcours professionnels et des méthodes de travail ; et tout simplement de la place du ministère au sein de l’État. C’est ainsi que nous pourrons aller de l’avant. Allons de l’avant, je vous en prie.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, voilà l’essentiel de ce que je voulais vous dire. Vous en avez bien conscience, le président de la République, la Première ministre, moi-même, et les Français n’ont jamais attendu autant de notre diplomatie qu’aujourd’hui, tant le monde est en désordre.

Vous avez l’entière confiance des plus hautes autorités de l’État. Vous avez la mienne. Vous avez la chance d’exercer l’un des plus intéressants et importants métiers qui soient, le métier de diplomate. Soyez créatifs, soyez positifs, et main dans la main avec les plus jeunes de vos collègues, mus par la même vocation, déclinez une ambition pour la France et sa politique étrangère.

Nous avons, j’en suis persuadée, l’une des meilleures diplomaties du monde. Alors, continuons.

Je vous remercie.