Discours de Catherine Colonna à l’occasion de la 29e Conférence des Ambassadrices et des Ambassadeurs

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Mesdames et Monsieur les Ministres,
Messieurs les Présidents de commission,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames les Ambassadrices et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames les Directrices et Messieurs les Directeurs, chers amis,

Nous voici de nouveau réunis, pour cette 29e Conférence des Ambassadrices et des Ambassadeurs, ou plus exactement pour la 2ème sous cette dénomination :
Nos ambassadrices sont plus nombreuses que jamais et représentent pour la première fois plus de 30 % du total. Personne ne m’en voudra de m’en réjouir et de penser que nous gagnons tous à cette promesse d’égalité, qui est la marque de notre République et doit être aussi celle de notre diplomatie. Avec l’appui de notre Secrétaire générale et de notre Directeur général de l’Administration, nous continuerons de progresser sur cette voie.

Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs, nous avons choisi cette année de nous réunir autour d’un mot d’ordre : « affirmer nos principes, nos intérêts, nos solidarités. » C’est un thème ambitieux, mais nécessaire, et c’est donc à un retour aux fondamentaux de notre diplomatie que je vous invite.

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1/- Une fois n’est pas coutume, je veux commencer par parler de nous. Car on ne peut affirmer nos principes, nos intérêts et nos solidarités sans affirmer l’outil diplomatique lui-même.

A cet égard, le tournant que le Quai d’Orsay vient de connaître est historique, au sens propre, après 30 années de réduction continue de ses moyens.

Les Etats généraux, auxquels vous avez activement participé, comme tant et tant des personnels du ministère, autour de Jérôme BONNAFONT et de son équipe, ont lancé ce mouvement de « réarmement » de notre diplomatie que j’appelais de mes vœux devant vous l’an dernier, car il était indispensable.

Ce mouvement est porté dans la durée par les moyens nouveaux qui ont été annoncés par le Président de la République lui-même, le 16 mars dernier, avec un budget porté à 7,9 milliards d’euros en 2027 et une hausse de 800 ETP sur ce quinquennat.

Pour 2024, la hausse des moyens s’élèvera à 288 millions d’euros et à 150 ETP, sous réserve de l’accord du Parlement, dont je salue à nouveau les éminents représentants présents ce matin.

Mais comme je vous l’ai déjà dit, affirmer une ambition pour notre diplomatie ne peut pas être faire la même chose avec plus de moyens.

Profitons de ces temps nouveaux pour faire mieux, en faisant différemment s’il le faut. Les fonds d’innovation que je vous avais annoncés l’an dernier sont un succès, car ils nous ont obligés à partir de l’effet recherché plutôt que de la manière d’utiliser l’existant. C’est clairement un modèle à suivre.

Ce qui est attendu de nous, c’est d’investir prioritairement là où nos intérêts sont en jeu, là où nous aurons de l’impact dans la défense de nos principes, là où des solidarités utiles sont à bâtir pour l’avenir.

Le chef de l’Etat et la Première ministre nous demandent aussi d’agir en « équipe France », car devant la détermination de nos compétiteurs, il faut mobiliser tous nos leviers, aussi bien sur les questions politiques qu’en matière de culture, de consulaire, de relations économiques ou de sécurité.

Voici donc le premier message que je veux vous adresser aujourd’hui : l’essentiel relève de vous. Et non seulement parce que les textes l’imposent, mais parce qu’une politique étrangère bien menée se doit d’utiliser toutes les ressources à sa disposition. Or l’essentiel dépend de vous, de votre discernement, de votre expérience, de votre action.

Dans un passage des Mémoires de guerre, le général de Gaulle décrit Molotov, qu’il rencontre pour la première fois, comme « un rouage parfaitement agencé d’une implacable mécanique » qui « ne sortait pas de ce qui avait été préparé et décidé ailleurs ». Voici l’exact opposé de ce que l’on peut attendre de vous. Le cap et la stratégie sont fixés à Paris, mais nous le faisons, avec le Président de la République, avec la Première ministre, sur la base de vos analyses et de vos propositions.

Par gros temps, nos compatriotes savent d’ailleurs pouvoir compter sur vous. Ce fut encore le cas cette année, au Soudan et au Niger. Le Centre de crise et de soutien, dans une coopération parfaite avec les Armées et nos ambassades concernées, a su remplir sa mission.

Nous avons pu aussi avoir ce qu’il fallait de persévérance pour obtenir la libération de certains de nos compatriotes. Au Mali, je pense à Olivier Dubois ; en Iran, je pense à Benjamin Brière et Bernard Phelan. Et nous continuerons de nous mobiliser pour ceux qui sont encore arbitrairement détenus.

Les Français comptent aussi sur nous par temps de paix.

Pensez bien que le consulaire, c’est notre vitrine, qu’il s’agisse des services aux Français que nous devons continuer de moderniser et de rendre mieux accessibles en ligne ou, bien sûr, des visas. Dans ce domaine, nous devons faire preuve de rigueur et d’exigence et je compte sur votre implication personnelle.
Des outils nouveaux existent, comme le centre de soutien consulaire, dont j’avais annoncé la création l’année dernière. A vos côtés, la nouvelle directrice de la DFAE, Pauline CARMONA, aura pour mandat de continuer de résorber dans l’année qui vient toutes les situations problématiques.

L’autre grand service aux Français dont vous avez une partie de la charge est le soutien à nos entreprises, le Président de la République vous l’a rappelé avec force hier Quatre millions d’emplois en France découlent directement de nos exportations. Ils dépendent pour partie de votre capacité à soutenir nos entreprises.

La Première ministre vous annoncera demain, avec le ministre délégué, Olivier BECHT, dont je salue l’action à mes côtés, une nouvelle stratégie en matière de soutien à l’export. Je compte aussi sur vous pour continuer d’attirer des investissements étrangers. En 2022, ils se sont implantés pour moitié dans des territoires de moins de 20 000 habitants. C’est un grand succès. Les Français peuvent ainsi mesurer concrètement les effets produits par une diplomatie économique.

Ainsi, si je regarde le chemin depuis un peu plus d’un an, je crois que nous avons eu une ligne claire sur les deux fronts qui nous ont collectivement occupés : la maison et l’action diplomatique.

Pour ce qui concerne la maison, les chantiers internes de modernisation sont désormais bien engagés. Vous les connaissez : réformes des ressources humaines, autour de la notion d’accompagnement des agents et des postes, efforts d’amélioration de la qualité de vie au travail, recrutements dès le début de cette année de nouveaux effectifs, développement des fonctions communication et influence à Paris comme à l’étranger, création prochaine d’une direction consacrée aux enjeux globaux au sein de la DGM, réorganisation de la DUE, mise en place du programme Tremplin pour renforcer notre vivier de talents féminins.
Et je pourrais citer encore tant et tant d’exemples. Je présenterai d’ailleurs dans quelques jours au Président de la République un premier point d’étape de la mise en œuvre de notre programme de modernisation.

Si je consacre autant d’énergie à ces sujets internes, c’est que j’ai une conviction que vous partagez, j’en suis sûre : l’appareil diplomatique est l’affaire de tous. Sans lui, sans les diplomates qui le servent, évidement, aucune diplomatie n’est possible.

Pour ce qui concerne notre diplomatie, j’ai centré notre action autour des trois axes évoqués ensemble lors de notre précédente rencontre.

D’abord, bien sûr, la réponse à la guerre en Ukraine : notre soutien à l’Ukraine a été constant et s’est exprimé dans tous les domaines.

Sur le plan politique, la vocation de la France est d’affirmer, évidemment, la solidarité avec l’Ukraine et de rallier le plus grand nombre autour de nos principes communs, percutés par cette guerre : nous l’avons fait avec des majorités écrasantes de plus de 140 voix, contre une poignée, à l’Assemblée générale des Nations unies.

Sur le plan matériel, notre soutien militaire a été complété par un effort inédit sur le plan humanitaire, avec 300 millions d’euros d’ores et déjà mobilisés sur le terrain et, le 13 décembre dernier, une grande conférence internationale permettant de lever un milliards d’euros de fonds consacrés à la résilience civile d’un pays dont les infrastructures, notamment énergétiques, étaient sous le feu russe.

Notre soutien est enfin juridique avec le travail mené autour d’un tribunal internationalisé pour juger des crimes commis par la Russie en Ukraine, et l’appui que nous apportons à la Cour pénale internationale et aux enquêteurs ukrainiens. Avec la conviction que la justice est l’une des conditions de la paix : j’ai ainsi eu l’honneur de présider la première session ministérielle du Conseil de sécurité consacrée à l’Ukraine, et spécifiquement à la lutte contre l’impunité, en septembre dernier.

Ensuite, 2ème axe, la réduction des fractures qui se font jour sur la scène internationale, avec la consolidation des partenariats avec l’Inde, l’Indonésie, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Arabie Saoudite. J’ai voulu que nous soyons au contact de ceux qui ne pensent pas toujours comme nous pour trouver les bases de ce qui nous permettra d’agir ensemble.

Agir ensemble, c’est aussi trouver des solutions concrètes aux défis de notre temps : le sommet de juin sur un nouveau pacte financier mondial ou notre action pour la sécurité alimentaire mondiale, qui m’a par exemple menée avec Annalena BAERBOCK en Ethiopie, sont autant de signes de la capacité de la France à parler à tous et à maintenir les espaces de coopération dont la communauté des Nations a tant besoin.

Enfin, 3ème et dernier axe, nous avions noté ensemble, l’an dernier, que la diplomatie d’un Etat démocratique comme la France ne pouvait tout simplement pas ignorer la question des droits et la question des libertés. La mise en place des plans de résilience démocratique dans vos ambassades, notre action en faveur de ceux qui, sur le terrain, luttent pour préserver les espaces de démocratie : journalistes, défenseurs des droits de l’Homme, militantes de l’égalité femmes-hommes, ont été cette année encore au centre de votre action, et je vous en remercie.

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2/- Mais assez parlé de ce que nous avons fait ensemble depuis un an, revenons au mot d’ordre de notre Conférence cette année et au champ international dans lequel nous devons nous affirmer.

Tout a été dit sur la "brutalisation du monde" à l’œuvre depuis quelques années, les compétitions qui s’exacerbent, les autoritarismes qui s’affirment, les risques de confrontation.

Je n’y reviendrai pas, mais il est vrai que l’on voit trop de fractures et aussi trop de recours décomplexé au mensonge, qui tente d’établir une véritable réalité parallèle qui ne vise pas à convaincre mais désarmer les esprits.

Je ne dirais pas qu’il y a décomposition mais le fait est qu’il y a danger, quand tout à la fois on constate la montée des extrémismes et des populismes et la perte du sens de la nuance, et parfois de la raison, la Raison telle qu’on l’entendait au siècle des Lumières, en espérant qu’elle pourrait gouverner les Hommes.

Oui, le champ international est brutal. Il est également plus mouvant. Ainsi, par exemple, six nouveaux pays rejoindront prochainement les BRICS. Nous entretenons d’excellentes relations avec la majorité d’entre eux : l’Argentine, l’Egypte, les Emirats Arabes Unis, l’Ethiopie, ou l’Arabie Saoudite, comme d’ailleurs avec certains des membres actuels, à commencer par l’Inde et le Brésil qui sont des partenaires de tout premier rang pour nous. Les cadres de la gouvernance mondiale évoluent, et les coalitions qui s’y créent peuvent varier selon les sujets.

La complexité n’est évidemment pas, en soi, un problème pour la diplomatie et les diplomates : elle est en quelque sorte leur milieu naturel. Mais notre époque ajoute à la complexité la confusion. Cette confusion, permettez-moi l’expression, est fille d’au moins trois mères.

Elle est d’abord fille de l’habitude, qui peut nous faire considérer comme normal ce qui ne l’est pas. Voici 18 mois maintenant que la Russie a déclenché une guerre sans merci contre l’Ukraine. Voici 18 mois de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont la Cour Pénale Internationale s’est saisie et qui valent à Vladimir POUTINE d’être l’objet d’un mandat d’arrêt dans l’un des dossiers les plus abjects parmi ceux dont il s’est fait la spécialité : l’enlèvement d’enfants ukrainiens, déplacés de force en Russie. Voici 18 mois que la Russie détruit tous les cadres juridiques et moraux qui gouvernent l’ordre international et fondent la paix et la stabilité dans le monde.

La constance du crime n’en réduit pas la gravité. Gardons-nous de nous accoutumer.

Et nous devons rester clairs face à cette Russie qui épuise son peuple, ses ressources et sa réputation dans la poursuite d’une chimère impérialiste dont elle refuse d’accepter qu’elle est défunte. Face à cette Russie où un chef de milice exécute les basses œuvres, puis défie le pouvoir, est qualifié de traître, avant d’être pardonné mais de disparaître dans un malheureux accident, nous devons rester clairs. Face au mensonge érigé en méthode de gouvernement, face au simulacre d’élections pour avaliser des annexions, nous devons rester clairs : nous ne reconnaîtrons pas ces annexions.

L’Ukraine, où je suis allée à quatre reprises, a tout notre soutien et le conservera autant que nécessaire. A Dmytro KULEBA, notre invité d’honneur, je redirai que le soutien de la France, soutien militaire, politique, financier, humanitaire, est résolu et qu’il se poursuivra, parce que ce sont le droit et la morale qui sont en jeu, mais aussi nos intérêts, la sécurité de l’Europe et la stabilité internationale. L’agression russe doit être un échec.

La confusion peut aussi être fille du relativisme. Vous connaissez ces voix qui nous disent que les droits de l’Homme ne sont pas universels. Que l’égalité ne vaut ni pour les Afghanes ni pour les Iraniennes. Que la démocratie n’est pas faite pour tous et pas pour le Sahel en particulier. Ou que la victime ukrainienne a provoqué l’agression de la Russie. Parce que chaque millimètre concédé est définitivement perdu, restons fermes.

Nous ne défendons pas des valeurs occidentales, mais des principes communs : l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, la liberté de convictions et d’expression, l’égale dignité de la personne humaine.

Une autre forme de relativisme s’exprime parfois, qui consiste à juger les uns ou les autres selon des standards différents, en mettant un signe égal entre les imperfections bien réelles des démocraties et des crimes massifs commis ailleurs. Le surréalisme des leçons de morale venues de pays qui piétinent les droits de l’Homme prêterait à sourire s’il n’était révélateur de leur cynisme et de la confusion ambiante.

Enfin, la confusion est parfois fille de la naïveté, ou d’une forme d’aveuglement plus ou moins volontaire. Sans invoquer André François-Poncet ou Jules Cambon, l’histoire diplomatique regorge de péchés d’optimisme autant que de voix ignorées, car leur lucidité de Cassandre gênait.

Dans ce monde de l’information dite ouverte, partout disponible, votre compréhension des intentions et des motivations de nos compétiteurs et de nos partenaires est plus que jamais indispensable.

Face à certains acteurs qui n’hésitent pas à retourner contre nous nos principes d’ouverture et de tolérance, redoublons donc de vigilance. C’est pour cela que j’ai saisi la Commission européenne, avec Laurence BOONE et Gérald DARMANIN, concernant le financement d’associations liées à l’Islam radical opérant sous le masque de l’antiracisme.

Et si nous dénonçons le coup d’Etat au Niger, c’est que derrière les paravents de « bonne gouvernance » et de « salut de la patrie », il n’y a rien d’autre que la négation de la démocratie. Il faut parfois revenir à des réalités simples : il n’y a pas de putschistes démocrates, comme il n’y avait pas hier de Taliban modérés. On ne peut fonder une politique étrangère sur des illusions.

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3/- J’en viens à quelques demandes que je vais vous faire. Dans ce contexte de brouillage généralisé de tous les cadres du débat, nous devons maintenir ce qui fait notre marque et notre valeur ajoutée, à savoir la finesse de l’analyse et le sens de la nuance, qui nous permettent d’inventer des formules diplomatiques nouvelles. Mais nous devons le faire en gardant à l’esprit quelques principes d’action clairs.

Le premier principe, c’est l’exigence de lucidité. Dans cette confusion que j’ai décrite, l’humanité semble ignorer le risque mortel qui pèse sur elle, celui du changement climatique. Alors que nous venons de vivre un nouvel été de tous les records de chaleur et qu’aucune région du monde n’est épargnée, nous ne pouvons évidemment nous y résoudre.

En septembre, après le G20, nous ferons le bilan des objectifs de développement durable à New York, puis celui de la mise en œuvre de l’accord de Paris, aux les Émirats arabes unis. Mais le GIEC nous le dit déjà : nous n’y sommes pas. Nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Il faut donc agir et convaincre tous nos partenaires, notamment les grands émetteurs, de prendre les décisions pour éviter la destruction climatique.
Je veux d’ailleurs souligner la qualité du modèle énergétique français. Grâce à lui, la France continue d’être en tête du classement des nations industrialisées émettant le moins de CO2 par habitant. Disons-le sans arrogance mais sans timidité : notre pays peut servir d’exemple à ceux qui souhaitent réduire rapidement leurs émissions et contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.

Le second principe de notre action porte sur la défense de la règle de droit, dont certains voudraient s’affranchir.

J’ai déjà parlé de la Russie et de sa guerre insensée. A ceux qui la banalisent, je dis qu’ils ont tort. Envahir son voisin, prétendre retracer ses frontières, lui interdire le choix de ses alliances, commettre sur sa population les crimes les plus abjects, puis utiliser l’arme de la faim pour imposer le silence face à des transgressions aussi systématiques, ce ne sont pas là de simples péripéties, mais un véritable tournant.

Que nous le voulions ou non, le monde a changé le 24 février 2022. L’issue de cette guerre déterminera grandement le monde futur et l’avenir de la gouvernance internationale.

La France, toujours, prendra le parti du droit. Le droit à la légitime défense, réaffirmé avec d’autres, en juillet dernier, au sommet de Vilnius. Le droit à lutter contre l’impunité, avec notre soutien à la CPI comme aux juridictions ukrainiennes. Le droit à vivre décemment, qui explique l’ampleur de notre investissement dans la sécurité alimentaire mondiale. Quand Moscou promet quelques milliers de tonnes de céréales à des pays placés en position de vassaux, nous portons à plus de 800 millions d’euros notre aide alimentaire.

Il y a ceux qui affament et ceux qui agissent. Soyons fiers du choix résolu de la France d’être de ceux-là.

Dans d’autres régions encore, la force veut faire reculer le droit. Je ne reviendrai pas sur l’intégralité des crises où notre diplomatie est active, d’autant que le Président de la République nous a donné hier sa feuille de route sur un certain nombre d’entre elles, mais je veux citer quelques sujets du moment.

Nous nous mobilisons ainsi pour permettre de faire émerger les conditions d’une paix juste et durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, permettant une délimitation des frontières entre les deux pays et offrant aux populations du Haut-Karabagh la possibilité d’y vivre, dans le respect de leurs droits, de leur culture et de leur histoire. La stratégie de l’étouffement qui vise à provoquer un exode massif des Arméniens du Haut-Karabagh est illégale, comme la CIJ l’a établi ; elle est aussi amorale.

C’est aussi le cas à Chypre, ces dernières semaines, avec des attaques intolérables contre des casques bleus, condamnées par le Conseil de sécurité. Là aussi, la France continue d’œuvrer pour une solution négociée, conforme au droit et non au fait accompli.

Dans les territoires palestiniens également, nous faisons part de notre forte préoccupation, devant les agissements de groupes terroristes palestiniens, bien sûr, mais aussi devant ceux de groupes de colons israéliens. La démocratie israélienne ne saurait fermer les yeux sur ces violences sans se renier. Le principe du droit doit s’appliquer, ici comme ailleurs, pleinement et sans exception. Seule la voie du droit et des négociations permet de sortir du cercle de violences qui s’installe. Elle doit être poursuivie dans le respect des paramètres agréés et des résolutions pertinentes, en vue d’une solution juste et durable permettant aux deux peuples de vivre en paix et en sécurité côte à côte.
De la même manière, en Syrie, il existe un cadre légal, celui posé par le Conseil de sécurité des Nations unies, pour une résolution de la tragédie syrienne, marquée par les souffrances endurées par un peuple qu’un régime sans scrupule a déraciné, affamé, asphyxié, au sens propre du terme, par des attaques chimiques documentées par l’OIAC à l’initiative de la France et de ses alliés.
Je veux également évoquer le Soudan, où une guerre terrible fait rage depuis plus de 4 mois. La communauté internationale apporte de l’aide humanitaire, et la France prend une part notable de cet effort, mais elle est pour l’instant impuissante à faire taire les armes.

Nous restons cependant actifs et déterminés, avec l’UA, avec l’IGAD, avec la Ligue arabe et avec nos partenaires européens et américain, à utiliser tous les leviers à notre disposition pour qu’une solution politique mette fin à ce conflit et rétablisse un processus de transition, en associant tous les acteurs politiques soudanais. Au-delà du calvaire pour la population, c’est aussi la stabilité de toute la région qui est en jeu.

Le Sahel est une autre région en proie à des défis immenses. Au Niger, ceux qui devaient servir des autorités légitimes ont choisi cyniquement d’usurper le pouvoir et de séquestrer le Président élu démocratiquement. Rien de bon ne peut venir d’une telle forfaiture.

Nous en faisons déjà le triste constat, par la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Les djihadistes perdaient hier du terrain. Ils multiplient les attaques et affichent désormais fièrement leurs victoires.

Aujourd’hui, la France assume de plaider pour une voie exigeante, celle du plein retour à l’ordre constitutionnel autour du Président BAZOUM. Nous le faisons, même si d’autres hésitent, par fidélité à des principes démocratiques, mais aussi parce que la voie ouverte par ce putsch est celle du désastre assuré, du risque d’effondrement sécuritaire de l’Afrique de l’Ouest, de l’aggravation des crises économiques et sociales, et cela dans notre voisinage immédiat.

On ne peut ignorer que les pays de la CEDEAO nous disent que l’heure est grave, on ne peut être aveugle sur le chemin suivi par le Mali et le Burkina Faso …
Mais l’actualité nous incite aussi, évidemment, à tirer les leçons de notre politique au Sahel depuis plus de dix ans. Nous avons investi massivement, à la demande de nos partenaires, pour le développement et la sécurité de ces pays. C’est tout à notre honneur, mais avec le risque d’être trop visibles, et donc susceptibles d’être tenus pour responsables des difficultés qui subsistent dans ces pays.

Par ailleurs, les derniers événements nous rappellent combien la solidité des institutions démocratiques est fondamentale. Sans cela, aucun développement ni aucune sécurité n’est possible.

Les choix positifs et ambitieux que notre pays a faits depuis 2017, ceux d’un partenariat modernisé, sont les bons. Sans doute devons-nous les pousser plus loin, en parlant à plus de monde, en soutenant ceux qui se battent pour la démocratie et les droits de l’Homme, en travaillant main dans la main avec les diasporas, les créateurs et les entrepreneurs. Les juntes échoueront. Elles échouent d’ailleurs déjà. Pour notre part nous pouvons et nous allons rester du bon côté de l’Histoire.

Je suis convaincue que les relations entre la France et les pays africains ont un bel avenir devant elles, et que l’instrumentalisation populiste de discours anti-français ici ou là ne doit pas occulter la qualité et la densité de nos relations dans l’immense majorité des cas.

Dans un continent en pleine émergence, nous avons des atouts à faire valoir : le savoir-faire de nos entreprises, l’excellence de nos universités, la créativité de notre vie culturelle, le dynamisme de notre jeunesse et de nos diasporas.
Les pays africains sont aussi des partenaires incontournables pour relever les nombreux défis communs. C’est aussi pour cela que nous défendons l’intégration de l’UA au G20, et une plus grande place pour l’Afrique au Conseil de sécurité des Nations unies.

J’en arrive au troisième principe de notre action : l’affirmation de la France sur la scène internationale passe plus que jamais par son statut de puissance de solidarité.

Avec une aide publique au développement passée de 10 à 15 milliards d’euros par an, le chemin parcouru depuis 2017 est considérable. La France est devenue cette année le 4e bailleur mondial, devant le Royaume-Uni.

Les effets sont très concrets, notamment sur notre action humanitaire. Notre pays, qui était devenu un acteur marginal il y a six ans, est aujourd’hui de retour dans le groupe des dix principaux contributeurs mondiaux. Nous annoncerons cet automne, lors de la conférence nationale humanitaire, une trajectoire consolidée, avec l’objectif d’un milliard d’euros engagés d’ici à 2025. Je salue au passage le travail réalisé à mes côtés par la Secrétaire d’Etat, Chrysoula ZACHAROPOULOU.
Ces derniers mois, le Conseil présidentiel du développement puis le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement ont permis de fixer le cap et de prendre des décisions importantes. C’est d’abord la fin de la concentration géographique ex ante, pour une aide plus politique et plus connectée à nos priorités bilatérales.

Cela implique un renforcement de votre rôle et celui des directions politiques pour un pilotage toujours stratégique mais plus fin, pays par pays. Il en va de même du pilotage local des opérateurs, avec le droit d’initiative et l’avis contraignant des ambassadeurs pour les projets AFD en don, les stratégies uniques, la mise en place d’une communication locale unifiée sous votre direction.

Je vous demande également de porter toute votre attention sur la visibilité des projets, pour conforter notre influence et nouer des liens avec nos publics prioritaires. Conséquence tangible de notre processus de transformation, nous avons créé depuis un an de nombreux outils pour financer des petits projets rapides, proches de nos bénéficiaires. Continuez de vous en saisir.

Pour autant et aussi essentielle qu’elle soit, l’APD n’est pas l’unique instrument de nos solidarités. Les réalistes nous disent que les pays n’ont pas de sentiment, uniquement des intérêts. Les relations internationales ne sont toutefois pas le résultat purement mécanique d’un calcul. La perception des intérêts est toujours le produit d’une vision de long terme, que chacun d’entre vous contribue à façonner.

Prenons l’exemple de l’Inde. La solidité de notre partenariat stratégique, incarnée avec éclat lors de la visite à Paris de Narendra MODI, le 14 juillet dernier, s’explique aussi parce que nous nous sommes toujours tenus aux côtés de l’Inde dans les moments difficiles. Notre partenariat stratégique avec elle est devenu un partenariat pour la planète et nous cherchons désormais à bâtir avec elle de nouvelles solidarités dans l’océan Indien et dans le Pacifique.

Nous continuerons ainsi de construire et de consolider de nouveaux partenariats de solidarité dans les années à venir. Et notamment dans l’espace indopacifique, où notre diplomatie s’affirme au service de nos intérêts de souveraineté, dans le respect du droit, le refus de la dépendance et de l’alignement, mais sans ambiguïté sur nos alliances, et donc sans équidistance.

C’est ce que nous faisons avec le Japon, un partenaire d’exception depuis des décennies, et désormais avec l’Indonésie. Nous créons une dynamique inédite avec la Corée, où je me suis rendue en avril, et confortons notre partenariat historique avec Singapour.

Nous posons aussi les bases d’une nouvelle relation avec l’Australie, pas forcément celle que nous avions pu envisager un temps, mais forcément amicale, puisque beaucoup nous rapproche.

La France devra également être plus présente auprès des organisations régionales, à commencer par l’ASEAN et le Forum des îles du Pacifique, et créer des ponts entre ses partenaires dans des formats ad hoc, à l’instar de celui que j’ai lancé avec mes homologues indien et émirien d’une part, et de celui que j’ai ravivé avec mes homologues indien et australienne d’autre part, et qui sont particulièrement prometteurs.

Notre affirmation dans l’Indopacifique s’appuie sur nos territoires ultramarins autant qu’elle les sert, car nous nous assumons pleinement cette singularité d’être à la fois nation européenne et nation de l’océan Indien et du Pacifique.
Fin juillet, lors d’une tournée sans précédent auprès de nos partenaires insulaires, le Président de la République a présenté une ambition renouvelée, avec un accroissement inédit des moyens. Nous continuerons aussi de soutenir la stratégie indopacifique de l’Union européenne, qui doit être plus visible et concrète.

Je parlais de solidarité et de lien, et cela vaut aussi pour le Maghreb.
La Tunisie fait face à des difficultés considérables sur le plan économique et migratoire. Aux côtés des Tunisiens, nous répondons présents, avec un vaste plan de coopération, à titre bilatéral et aussi en tant qu’Européens.

Avec le Maroc, comme avec l’Algérie, nous n’avons pas ménagé nos efforts, le Président de la République l’a rappelé hier. Et nous continuerons à le faire car nous croyons profondément que cet espace méditerranéen qui nous unit peut devenir un espace de coopération dans notre intérêt mutuel, au bénéfice de l’environnement, de la biodiversité, du commerce et de l’énergie.

Le Liban est également un pays à part que la France n’abandonnera pas. Avec le Président de la République, et avec Jean-Yves LE DRIAN, nommé représentant personnel du Président pour le Liban et dont je veux saluer l’action, nous n’avons pas ménagé notre peine pour pousser des options et faire bouger la situation. Aujourd’hui, des ouvertures apparaissent. Sur cette base, nous continuons le travail.

Enfin, au Moyen-Orient, nous continuerons d’agir pour faire de la troisième édition du Sommet de Bagdad un succès, car là aussi, nous participons à faire bouger des lignes, dans une région en pleine recomposition, comme en témoigne le spectaculaire rapprochement de Riyadh et de Téhéran.

Quatrième et dernier principe enfin de notre action : c’est l’indépendance. Partout, la France continuera de refuser les logiques de blocs pour promouvoir la liberté de choix que permet l’affirmation des souverainetés de chaque Etat.
Cela ne retire rien au caractère exemplaire de notre implication dans nos alliances. Nous l’avons amplement prouvé et nous continuerons de le faire. Les États-Unis sont notre plus vieil allié, avec qui nous avons en commun tout ce qu’il y a de fondamental : un même attachement à l’esprit des Lumières, aux valeurs universelles et à l’ordre international fondé sur le droit, une même volonté de les défendre.

Et c’est précisément pour cela que nous renforçons notre engagement au sein de l’OTAN. En fixant avec l’article 5 une ligne de dissuasion qui a su tenir Vladimir POUTINE en respect, l’OTAN a prouvé toute sa pertinence. Il était donc important que la France, l’une des trois puissances nucléaires de l’Alliance et la seule de l’UE, puisse y jouer un rôle d’allié exemplaire en contribuant au renforcement de la posture de l’Alliance sur son flanc oriental, en Roumanie et dans les pays baltes, comme elle le fait.

Mais nous savons aussi d’expérience qu’il est utile à la communauté transatlantique que des voix différentes puissent exister en son sein. En 2003 en Irak, nous avons alerté sur les conséquences d’une intervention. En 2012 nous avons parlé avant d’autres d’enlisement en Afghanistan. En 2013 nous avons regretté le choix américain de ne pas faire respecter les lignes rouges définies ensemble concernant la Syrie. La France continuera d’avoir sa voix singulière.
Ce qui m’amène à évoquer la relation que la France entend continuer de développer avec la Chine.

Elle ne date pas d’hier, puisque nous fêterons l’an prochain le 60e anniversaire de la reconnaissance par le général de Gaulle de la République populaire de Chine comme seule représentante de la Chine. Elle s’inscrit pleinement dans le cadre du triptyque défini par l’Union européenne qui définit, je le rappelle, la Chine comme un partenaire, un compétiteur et un rival systémique.

Nous continuerons à traiter la Chine en partenaire, comme lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial en juin, et c’est pourquoi nous nous opposons à l’idée d’un découplage avec la Chine. Mais nous continuerons aussi, avec lucidité et exigence, à assumer nos divergences de vues, notamment sur les valeurs universelles, à défendre notre vision du monde, l’ordre international fondé sur le droit et la stabilité, et à rechercher une relation économique équitable.
Ce dernier point sera largement évoqué dans la session de nos travaux consacrée à la lutte contre les ingérences économiques. Nous n’avons cessé ces dernières années d’appeler les Européens à renforcer leur autonomie stratégique, suivant une stratégie de réduction de nos dépendances extérieures excessives, qui ne vise d’ailleurs pas spécifiquement la Chine.

C’est aussi notre inlassable esprit d’indépendance qui nous permet d’être toujours force de proposition au service d’un multilatéralisme rénové et renforcé. Au sein de la communauté internationale, la France est une puissance d’initiative.
Nous en avons fait la démonstration en juin, pour retisser le lien Nord-Sud, en tenant à Paris le sommet pour un nouveau pacte financier mondial et porter des solutions concrètes pour lutter de front contre le changement climatique, la perte de biodiversité et la pauvreté. Il a abouti à des succès immédiats, comme la signature d’un partenariat pour la transition énergétique au Sénégal ou encore l’accord trouvé sur la dette de la Zambie. Il trace surtout une trajectoire dans le temps long.

Ce multilatéralisme des résultats, il est bien vivant et nous y sommes pleinement engagés. Je pense à des enjeux comme la pollution plastique, qui envahit nos poumons et nos habitats. Je pense à la protection des océans, qui doit être renforcée par la mise en œuvre de l’accord pour la biodiversité en haute mer, et par un succès en juin 2025, lors de la conférence des Nations unies pour l’océan, co-organisée avec le Costa Rica à Nice.

Sur les droits de l’Homme aussi la France est en première ligne. Aux côtés de celles et ceux qui luttent pour préserver les espaces de démocratie partout où ils tendent à se resserrer, elle est le seul pays d’Europe à attribuer des visas pour asile à des militantes afghanes ou à des journalistes syriens.

C’est pourquoi nous ferons du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, en décembre prochain, un rendez-vous diplomatique de haut niveau.

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4/- Et puisque nous avons toutes les raisons d’être fiers de nos principes, il faut davantage descendre dans l’arène et affirmer notre voix.

L’année 2024 sera à ce titre une année chargée.

Beaucoup a été fait en un an, avec la montée en puissance des capacités de la Direction de la communication et de la presse, et notamment la création d’une nouvelle sous-direction, si utile pour détecter les attaques informationnelles et y répondre.

Je mesure aussi votre implication dans ce patient travail de réseau auprès de vos publics, journalistes, influenceurs, leaders d’opinion, que vous êtes les mieux placés pour connaître. Dès 2024 et dans les années à venir, le renforcement des moyens de communication des ambassades sera une priorité pour mieux expliquer et illustrer notre action.

En Afrique en particulier, nous restons mobilisés pour lutter contre les attaques et les discours anti-français. Aux fermes à trolls de Wagner ou de ses clones, aux usines à mensonges nous opposons désormais la vitesse de notre réponse, y compris en langues locales, sur l’ensemble des supports et des réseaux sociaux.
La désinformation est d’ailleurs un enjeu cardinal, parce que l’accès à une information libre, indépendante et fiable est une condition essentielle de la démocratie. Cet enjeu sera au cœur des Etats généraux de l’information voulus par le Président de la République, et dont les conclusions sont attendues d’ici à l’été 2024.

Je veux vous confirmer que le soutien à la presse restera une priorité dans l’année à venir. La coopération avec les médias à l’étranger sera étayée d’une première feuille de route « Médias et développement » pour 2023-2027, élaboré en lien avec notre opérateur CFI, pour renforcer la coordination et l’efficacité des initiatives françaises en faveur du pluralisme des médias et de la liberté de la presse.

J’aurai aussi l’honneur de remettre en novembre prochain le premier prix Politkovskaya-Soldin, qui récompense le courage de journalistes engagés sur des zones dangereuses.

Dans un contexte d’exacerbation de la compétition stratégique, l’image de la France et la place qu’elle occupe dans le monde sont des atouts qu’il nous faut sans cesse consolider. Le Président de la République nous a confié l’élaboration, la coordination et la déclinaison d’une stratégie nationale d’influence. Nous y travaillons en ce moment.

Nous pourrons nous appuyer sur ce qui a déjà fait les preuves de son efficacité : je pense notamment au succès de la première journée mondiale des Alumni, organisée par Campus France en lien avec les ambassades. Je souhaite que cette initiative, que j’avais lancée ici-même il y a un an, devienne un rendez-vous annuel, en faveur de l’animation d’un réseau prioritaire pour notre influence.
Et nous pourrons surtout nous appuyer sur des moyens renforcés. Pour la communication, je l’ai dit, et pour le programme 185, qui augmentera de 50 millions d’euros en 2024 - une hausse sans précédent - appelée à se poursuivre ces prochaines années, particulièrement au bénéfice de notre action de coopération culturelle, scientifique et universitaire.

Cette action pourra s’appuyer en 2024 sur le calendrier des événements internationaux organisés en France. Ce sera la fin des travaux de Notre-Dame, ainsi que les 80 ans du Débarquement de Normandie et de la Libération. Ce seront surtout les Jeux de Paris, et dès les prochains jours la Coupe du Monde de rugby. Autant d’occasions de renouveler notre récit et l’image que le monde se fait de nous.

S’agissant des Jeux Olympiques et Paralympiques surtout, vous serez directement mobilisés, non seulement sur la délivrance des visas pour les membres de la famille olympique ou la bonne information des délégations, mais surtout par un travail de valorisation à faire au sein de votre programmation et de votre communication, comme le font déjà les près de 140 ambassades labélisées « Terre de jeux ». Vous en reparlerez tout à l’heure avec Amélie OUDEA-CASTERA, que je remercie.

Nous accueillerons également en 2024 le 19e Sommet de la Francophonie, une première depuis trente ans, qui sera précédé par l’inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts cet automne. Vous connaissez les ambitions fixées par le chef de l’Etat : c’est là une occasion unique d’assumer un message fort sur la langue française et sa pratique, vecteurs d’employabilité pour la jeunesse, mais aussi de création et de débats intellectuels à l’échelle internationale.

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5/- Vous le savez enfin, et j’en terminerai par-là, l’année à venir sera tournée vers l’Europe, avec le rendez-vous démocratique que sont les élections européennes de juin.

Et alors que l’extrême-droite tisse sa toile en Europe, nous aurons la responsabilité collective de faire vivre un projet européen positif et ambitieux. Je sais pouvoir compter pour cela sur l’aide précieuse de Laurence BOONE.
On peut noter d’ailleurs que les populistes arrivés au pouvoir en Europe n’ont de cesse de vouloir maximiser les retours obtenus d’une Union qu’ils vouaient pourtant aux gémonies ou que les promesses mirifiques du Brexit peinent à être tenues au Royaume-Uni, ce pays ami et allié qui nous manque tant au sein de notre Union.

Mais plus fondamentalement, n’oublions jamais de dire que le projet européen est un projet politique, un projet de paix et de démocratie, un cadre pour notre prospérité et pour notre liberté. Au moment où la guerre est revenue sur le continent européen, n’oublions jamais ce qu’est cet idéal européen, et n’oublions jamais d’en parler, de le défendre, de l’incarner.

Il n’en est pas moins vrai que si nos concitoyens ont largement conscience de l’utilité de l’Europe, c’est bien à nous d’en expliquer tous les avantages. A nous de rendre l’Europe la plus concrète possible. A nous de démontrer que le repli national et la courte vue du chacun-pour-soi sont contraires à nos intérêts. Voilà le grand enjeu de la campagne européenne qui s’annonce.

Pour cela, nous devons rappeler ce qui fait la force de l’unité européenne.
En premier lieu, je veux citer le refus des tentations d’hégémonie. L’Europe a su mettre un terme à un millénaire de luttes internes et de rivalités et plus personne ne peut y prétendre dicter sa conduite à son voisin. Il n’y a, dans notre Union, ni premier ni dernier, mais une communauté unie autour de principes communs, principes que nous voulons aussi diffuser via la Communauté politique européenne.

Car la deuxième raison du succès de la construction européenne, ce sont ces principes. Personne ne peut rien imposer, mais chacun adhère librement à un système juridique et de valeurs qui nous lie car il forme l’éthos commun des Européens : les libertés individuelles, la primauté du droit, la gouvernance démocratique, qui sont au cœur de notre identité commune et que nous devons honorer.

Et en troisième lieu, nous avons un destin commun, un cap pour nous mobiliser. C’est l’agenda de souveraineté fixé l’an dernier à Versailles. Renforcement de nos capacités de défense, réduction de nos dépendances et soutien à une industrie européenne à même de produire davantage et plus vite : voilà des objectifs pour fédérer notre Union, autour d’une stratégie qui, en renforçant notre collectivité, renforcera bien sûr chacun de ses membres.

Le deuxième grand sujet européen de notre temps, c’est bien sûr l’Ukraine. Ne le cachons pas, le sort de l’Ukraine est notre moment de vérité collectif. Comme le Président de la République l’a rappelé au Sommet Globsec à Bratislava, le 31 mai dernier, nous n’aidons pas l’Ukraine pour répondre à sa demande légitime ou à une demande de « partage du fardeau », nous aidons l’Ukraine car du sort de ce pays, de l’issue de cette guerre, dépendent notre sécurité, notre prospérité, et nos modes de vie. La guerre en Ukraine transforme déjà notre continent : la décision historique d’ouvrir avec l’Ukraine un chemin vers l’adhésion à l’Union, éclaire bien sûr sous un nouveau jour la question de l’élargissement, notamment aux Balkans. L’Europe a, à cet égard, une occasion unique de fixer enfin ses frontières, et de stabiliser son fonctionnement institutionnel puisque, comme nous l’a rappelé le Président de la République hier, cette Europe plus vaste ne pourra pas fonctionner selon les règles actuelles.

Sur tous ces grands sujets, notre cap européen est donc simple : renforcer l’Europe partout et tout le temps, car nous nous renforçons ainsi nous-mêmes. A cet égard, assumons que cette politique est pensée par et pour les Européens, pour défendre leurs intérêts et leurs emplois, sans naïveté aucune sur le contexte de concurrence internationale exacerbée. En deux mots : assumons que c’est une politique de préférence européenne, parce que l’Europe que nous voulons, ce n’est pas un simple marché de consommateurs, mais une vraie puissance économique.

Réjouissons-nous de l’élaboration par la Commission d’une doctrine globale de sécurité économique, d’autant que nous avons encore d’importants chantiers devant nous en matière de protection des intérêts européens, pour faire face aux politiques de subvention de nos concurrents ou pour assurer un environnement économique favorable, avec des règles du jeu équitables, des normes permettant d’allier incitation à innover et préservation de nos droits, y compris bien sûr de nos données.

Voici donc le cap et les objectifs. La paix et la prospérité sont une promesse qui continue d’être tenue par l’Europe. Celle-ci n’est pas seulement un projet, c’est « la seule voie qui assure notre avenir », nous disait le Président de la République en 2017 à la Sorbonne, et nous pouvons en prendre la mesure chaque jour.
Saisissons-nous donc de l’année à venir pour faire vivre cette promesse et faire progresser cette Europe positive, solidaire et utile. Rien de grand ne sera possible pour la France sans l’Europe.

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Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs, mon mot d’ordre cette année est, au fond, simple : « affirmez-vous ».
Affirmez-vous comme les pilotes d’une action extérieure claire, qui se déploie dans tous les domaines. Affirmez-vous comme les représentants d’un pays dont vous avez toutes les raisons d’être fiers. Un pays engagé pour l’universalité des droits, pour la régulation multilatérale de l’ordre international, pour la solidarité.
Un pays qui respecte sa parole et dont la fiabilité n’est pas prise en défaut.
Un pays qui sait protéger les siens aux quatre coins de globe.
Un pays qui sait que l’Europe le grandit plutôt qu’elle ne le concurrence.
En bref : soyez fiers d’être les Ambassadrices et les Ambassadeurs de la France !
Je vous remercie.