Cérémonie de passation de pouvoirs de Stéphane Séjourné à Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères - Propos de Jean-Noël Barrot (Paris, 23 septembre 2024)

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Discours de Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Monsieur le Ministre, cher Stéphane,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames et Messieurs les Directeurs, les agents du Quai d’Orsay,
Mesdames et Messieurs,

En prenant mes fonctions aujourd’hui, je mesure la confiance placée en moi par le Président de la République et par le Premier ministre. Je mesure aussi l’honneur qui m’est fait de succéder à Stéphane Séjourné, à Catherine Colonna, à Jean-Yves Le Drian - et leurs prédécesseurs - et de rejoindre aujourd’hui les hommes et les femmes qui font ce ministère partout dans le monde, en France, à l’étranger, dans notre réseau diplomatique et consulaire.

Monsieur le Ministre, cher Stéphane,

Tout au long de votre ministère au Quai d’Orsay, vous aurez affronté des crises d’une exceptionnelle gravité. Quelques jours après votre arrivée ici, vous avez fait prendre à notre pays une inflexion décisive dans sa posture vis-à-vis du régime de Vladimir Poutine, une inflexion qui a été largement suivie par nos partenaires européens. Vous avez réveillé le triangle de Weimar qui lie la France à l’Allemagne et la Pologne, et qui était profondément endormi. Vous avez alerté la communauté internationale sur le drame humain qui se joue au Soudan et vous avez oeuvré sans relâche pour prévenir l’escalade au Proche-Orient.

Vous avez aussi lancé de nombreuses initiatives, dont certaines vont se concrétiser dès cette semaine dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies ; la semaine prochaine à Villers-Cotterêts, au moment du Sommet pour la Francophonie ; et puis l’année prochaine, avec un Sommet mondial sur l’intelligence artificielle au début de l’année, et puis un sommet sur les océans au moment de l’été.
Vous avez aussi su créer autour de vous et animer un collectif uni et soudé auquel j’ai eu le privilège d’appartenir. Et je veux saluer, comme vous l’avez fait, l’action résolue et le travail remarquable de Franck Riester et de Chrysoula Zacharopoulou.

Monsieur le Ministre, cher Stéphane,

Vous êtes appelé dans quelques jours à devenir le visage de la France à la Commission européenne, en charge de la souveraineté industrielle, de la prospérité, des priorités absolues de la France - déclinées dans le discours de la Sorbonne, du Président de la République - et que ce ministère, sous votre autorité, a contribué à relayer dans toutes les capitales pendant des mois. Je sais que vous aurez à coeur de faire vivre ces idées françaises à Bruxelles et à Strasbourg, deux villes que vous connaissez parfaitement et que vous aimez, et que vous veillerez, je l’espère, à ce que la Commission reste fidèle à ses principes fondateurs : l’ambition communautaire d’un côté, et le respect du principe de subsidiarité de l’autre. Vous pouvez compter sur moi, bien sûr, mais aussi sur Benjamin Haddad, qui connaît parfaitement ces questions-là, pour vous y encourager.

Monsieur le Ministre, cher Stéphane,

Vous quittez le Quai d’Orsay comme vous y êtes entré : par la grande porte. Et au moment où vous empruntez cette grande porte, je ne peux m’empêcher de relever que, d’une certaine manière, vous placez vos pas dans ceux de l’un de vos illustres prédécesseurs qui occupa lui aussi les fonctions de ministre des affaires étrangères et de commissaire européen successivement, il y a exactement 20 ans : un certain Michel Barnier.

Alors cher Stéphane, Monsieur le Ministre, merci pour tout ce que vous avez apporté à ce ministère. Merci pour tout ce que vous avez apporté à la France dans ce ministère. Nous formons pour vous des voeux de plus grande réussite dans vos nouvelles fonctions.

Au moment de prendre mes fonctions, je suis saisi par un sentiment d’humilité, doublé d’une admiration pour la diplomatie française, tout ce qu’elle a apporté à la France, à l’Europe et au monde. Je n’oublie pas que c’est grâce à la diplomatie française que notre pays, pas tout à fait encore remis du traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale, fut l’un des pays fondateurs de l’Organisation des Nations unies. Je n’oublie pas que c’est grâce à elle que dans ce ministère - en réalité dans le salon de l’Horloge, que vous avez traversé pour gagner cette si belle salle - que Robert Schuman, ministre des affaires étrangères, posa la première pierre de la construction européenne. Et je n’oublie pas non plus qu’il y a bientôt 10 ans, c’est grâce à la diplomatie française qu’à Paris furent signés les principaux accords internationaux sur la lutte contre le dérèglement climatique, l’Accord de Paris. Et c’est grâce à la diplomatie française que partout dans le monde, aujourd’hui, la F rance est entendue, la voix de la France, la voix de la justice, la voix de l’humanisme, la voix de l’équilibre, la voix de l’espérance. Partout dans le monde, les opprimés attendent la voix de la France et les oppresseurs la redoutent.

Et la diplomatie française, ce n’est pas qu’un concept, ce sont des hommes et des femmes d’exception. Ambassadrices et ambassadeurs, directrices et directeurs, rédactrices et rédacteurs, agents du ministère, intendants, huissiers, officiers de sécurité… Tant de métiers dont la diversité n’a d’égal que l’engagement au service de notre pays. Une magnifique communauté vivante, solidaire et courageuse. Et je veux dire à celles et ceux d’entre nous qui sont aujourd’hui en poste à Kiev, à Beyrouth, ceux qui étaient à Khartoum, ceux qui agissent face à toutes les convulsions de notre monde, que leur courage force notre admiration, qu’ils font notre fierté et que la France, sans leur action, ne serait pas la France.

Au moment de prendre ces fonctions, je mesure l’ampleur des défis - Stéphane Séjourné en a parlé - qui se dressent devant nous. Et j’en citerai quatre : le défi de la paix, celui du climat, celui de la démocratie, celui de la prospérité.

Le défi de la paix. Nous vivons dans une époque dans laquelle surgissent des crises géopolitiques d’une exceptionnelle gravité. Jamais l’ordre international fondé sur le droit, dont la France a été le grand architecte, n’a été soumis à des vents aussi violents, qui veulent l’abattre pour lui substituer un ordre international fondé sur la force. En Ukraine, au Proche-Orient, en Haïti, dans la région des Grands Lacs, en mer de Chine, ce ministère défendra corps et âme le droit international, au service d’une paix juste et durable.

Le défi du climat. Notre planète est en ébullition et nous ne pouvons plus regarder ailleurs, parce que les conséquences dramatiques du dérèglement climatique se manifestent désormais dans la vie quotidienne de nos concitoyens : sécheresse dans les Pyrénées, inondations dans le Pas-de-Calais, tempêtes en Bretagne. Ce ministère prendra toute sa part pour relever ce grand défi, en participant aux négociations qui nous attendent pour les COP à venir, en conciliant l’objectif de la lutte contre la pauvreté et les inégalités avec la lutte contre le dérèglement climatique, selon les principes fixés par le Pacte de Paris pour les peuples et la planète voulu par le Président de la République et signé l’année dernière par 63 pays.

Le défi de la démocratie et des libertés fondamentales. La démocratie est attaquée de toutes parts. Notre pays est ciblé et pilonné par les ennemis de la démocratie, qui veulent faire la démonstration de sa fragilité. La France se défendra contre toutes les ingérences étrangères, contre toutes les menaces hybrides. Et, de même, ce ministère sera pleinement mobilisé chaque fois que les libertés fondamentales, les droits de l’Homme, les droits des minorités seront en danger. Et je le dis aux femmes iraniennes, je le dis aux jeunes filles en Afghanistan : j’ai entendu leurs cris de détresse. Vous n’êtes pas seules. Nous serons à vos côtés.

Le défi, enfin, de la prospérité. L’ère de la mondialisation insouciante, heureuse, est définitivement révolue. Partout se multiplient des gestes d’agressivité, voire de guerre commerciale. Dans ce contexte, nous adopterons une attitude de lucidité et de fermeté, tout en continuant à promouvoir l’ouverture, le multilatéralisme, en accompagnant nos entreprises vers l’export et en veillant à l’attractivité de notre pays. Et je saurai pouvoir compter sur Sophie Primas, qui connaît parfaitement ces questions, pour oeuvrer dans cette direction-là. Mais la prospérité de la France et de l’Europe ne se conçoit pas à l’écart de celle du reste du monde, et en particulier des pays les plus vulnérables. C’est pourquoi je veillerai à ce que la France reste un acteur central de la politique de l’aide au développement et poursuive la transformation de sa relation partenariale avec l’Afrique. Et je sais pouvoir compter sur toi, cher Thani [Mohamed Soilihi], pour que nous oeuvrions activem ent en ce sens.

Ces combats pour la paix, pour le climat, pour la démocratie, pour la prospérité, je les mènerai avec tout mon coeur, toute mon énergie et je prendrai des initiatives dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.

Mais je ne voudrais pas être beaucoup plus long, pour laisser nos collègues s’exprimer, bien sûr, et puis aussi pour ne pas rater l’avion qui doit m’amener à New York, parce que rater ou arriver en retard à la tribune des Nations unies le jour de la prise de poste, ça risquerait de faire mauvais effet.

Mais pour conclure, je voudrais avoir une pensée pour François Bayrou, Marielle de Sarnez, Jean-Louis Bourlanges, qui m’ont appris à cultiver une saine indignation face au désordre du monde, pour faire de cette indignation une force de mon engagement. Je voudrais avoir une pensée pour mes collaborateurs dans mes fonctions ministérielles précédentes, à l’Assemblée nationale et dans les Yvelines, qui m’ont suivi depuis longtemps et avec fidélité dans tous mes combats. Je voudrais aussi avoir une pensée pour ma famille, mon épouse et mes enfants, qui sont l’origine et la destination de mon engagement. Et finir avec un mot pour nos compatriotes. Françaises, Français de l’Hexagone, des Outre-mer, de l’étranger : soyez assurés que la diplomatie française est rassemblée pour vous servir, pour servir vos intérêts, pour servir la paix, pour que vive la République et pour que vive la France.