Entretien d’Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec « BFM Business » (Paris, 20 février 2023)

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Q - Vous êtes un ministère, vous êtes une PME, vous êtes une startup, vous venez d’intégrer le Next120 ou le Next40, vous voulez parler de vos besoins en recrutement et donc parler de vous : eh bien, vous venez nous voir sur ce plateau. Ça se passe évidemment très facilement : vous nous écrivez par e-mail à l’adresse avecvous chez bfmbusiness.fr, mais aussi vous nous écrivez sur les réseaux sociaux. On est en direct tous les midis, LinkedIn, Twitter, Facebook, Youtube. Et puis, à toute heure du jour et de la nuit à l’adresse avecvous chez bfmbusiness.fr.

On va partir recruter pour un de nos visages : le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Bonjour Anne-claire Legendre.

R - Bonjour Lorraine.

Q - Vous êtes la porte-parole de ce ministère. Vous êtes avec nous en plateau alors que vous avez sans doute une journée très très chargée. Vous étiez juste avant nous en briefing avec d’autres journalistes de la presse étrangère. Merci de prendre le temps de venir nous parler de vous, de vos besoins, parce que ça nous concerne. Ça vous concerne évidemment, dans le contexte guerrier, dans le contexte de tension dans lequel nous sommes, de savoir un peu mieux ce que fait le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Un portrait rapide : c’est 1.300 personnes qui travaillent avec vous, 1.300 agents et agentes comme on dit, à cheval entre plein d’endroits, notamment Paris et Nantes, mais aussi le monde entier. Je vous laisse pitcher. Comment on fait - il est d’usage dans cette émission, à cette heure-ci - … voilà, ce qu’il faut savoir du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en quelques secondes, en 30 ou 45 secondes ; qu’est-ce qu’on doit retenir ?

R - Merci Lorraine. Alors ce n’était pas 1.300, c’est 13.000 agents.

Q - C’est 13.000 agents. Vous voyez, je bigle, pardon.

R - 13.000 agents et qui sont répartis entre Paris et Nantes, où nous avons des services, mais aussi et surtout à l’étranger, puisque 260 postes diplomatiques à travers le monde accueillent tous ces agents qui représentent la France autour du monde. La France a le troisième réseau diplomatique au monde. Ce réseau-là vient juste après la Chine et les États-Unis, et permet donc de rayonner, pour notre pays, à l’international.

La mission de notre diplomatie, c’est tout d’abord la paix et la sécurité internationales. Donc vous imaginez l’engagement de nos agents, particulièrement aujourd’hui, où depuis un an nous avons à nouveau le retour de la guerre sur le continent européen. Cet engagement, c’est aussi celui de la France sur les grands sujets comme la biodiversité, le climat, toute cette question des biens publics mondiaux sur laquelle la diplomatie française doit négocier la position de la France sur tous ces traités internationaux qui engagent l’avenir du monde et de nos enfants. Et enfin, il faut évidemment faire rayonner la parole de la France, donc faire rayonner la France. C’est aussi la francophonie, la coopération culturelle et enfin servir nos Français à l’étranger. Vous savez qu’il y a beaucoup de Français qui vivent à l’étranger. Et nos services consulaires à travers le monde sont chargés de leur apporter un service au plus près.

Q - Voilà quelques-unes des missions. Ce n’est pas facile de pitcher les fonctions d’un ministère, mais merci de vous être prêtée à l’exercice, Anne-Claire. 13.000 agents évidemment et pas 1.300 comme je le disais à l’instant. Heureusement que ceux qui nous suivent en images ont une infographie pour soutenir ces chiffres. Vous recherchez annuellement beaucoup de gens, en particulier en ce début 2023, des gens spécifiquement : vous cherchez 350 personnes par an pour les fonctions basées à l’étranger, et puis 300 à l’administration centrale, si on peut dire du côté de notre territoire. Est-ce que vous pourriez nous dire, Anne-Claire, les postes les plus urgents à pourvoir dans votre ministère ? Qu’est ce qui est le plus, plus, plus urgent, à trouver comme profils ?

R - Merci Lorraine. Les métiers sur lesquels nous cherchons en priorité à recruter sont ceux du numérique, puisqu’ évidemment on a un vrai besoin en matière de cybersécurité. Vous imaginez, dans le contexte de l’Ukraine, à quel point cette question de la cybersécurité, la protection de notre réseau diplomatique est particulièrement importante. La deuxième, c’est la question de l’immobilier, et là-dessus, je voudrais donner quelques idées à nos auditeurs de ce qu’est le réseau diplomatique français. En matière d’immobilier, c’est un patrimoine extraordinaire. Vous avez par exemple la Villa Médicis à Rome, ou le Palais Farnèse, ou encore… je reviens de Brasilia avec la ministre, nous étions à l’ambassade de France, qui a été construite par Le Corbusier. C’est un patrimoine incroyable dont il faut évidemment prendre soin. Le quatrième métier, c’est les juristes. Nous manquons encore de juristes. Or, évidemment, les négociations internationales, c’est un métier éminemment juridique, et nous avons besoin de spécialistes sur ces questions-là, mais aussi de spécialistes en matière de marchés publics par exemple, puisque le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, comme les autres ministères, a besoin de passer des marchés sur les questions de transformation numérique ou encore de rénovation du Quai d’Orsay. Et enfin, toute une série de métiers qui viennent soutenir l’action diplomatique au quotidien : de la gestion, de la comptabilité, du secrétariat. Tous ces métiers sont absolument prioritaires pour nous en matière de recrutement.

Q - On va parler du ministère comme on parlerait d’une entreprise privée. Je vais vous demander de parfaire le portrait, quelque part, des postes que vous recherchez ou des profils des gens que vous recherchez. Par exemple, sur des questions très pratico-pratiques, où sont basés les quelques postes que vous nous avez listé ? Est-ce qu’on est à Paris ? Est-ce qu’on est à Nantes, comme on en parlait tout à l’heure ? Est-ce que, par exemple, il y a du télétravail chez vous ?

R -
Alors vous pouvez être à Paris ou à Nantes, ça dépend des fonctions que j’ai évoquées. Si je parle par exemple d’un juriste, il va être plutôt basé à Paris auprès de la direction des affaires juridiques. S’agissant des sites immobiliers, il peut être soit à Paris, soit à Nantes et s’occuper de différents sites immobiliers, mais aussi être posté en ambassade, puisque nous avons aussi des responsables de la logistique et de l’immobilier qui sont par exemple à Washington ou dans d’autres grandes capitales.

Nos recrutements, ils se font sur une base annuelle, puisque nous recrutons toute l’année 300 postes, comme vous l’avez indiqué, en centrale, et 300 postes vers l’étranger. Et je dirais que c’est une grande variété de profils que nous recrutons, puisque nous cherchons à la fois des polyglottes - et ça, cela fait partie des titulaires de la fonction publique que nous recrutons par concours, puisque nous cherchons des gens qui ont une expertise particulière dans une langue, dans une zone géographique, et qui peuvent apporter cette expertise au ministère pour son action diplomatique au quotidien. Nous cherchons également des spécialités. Là-dessus, je mentionnais tout à l’heure la question de la biodiversité, du climat, de la finance durable : c’est des questions qui nécessitent d’avoir une expertise pour mener des négociations avec toutes les compétences et l’information nécessaire pour mener cette négociation à bien. Et enfin, je dirais qu’il y a une compétence métier, qui parfois nous manque, en matière de communication, ou encore de cybersécurité, on a besoin de développeurs informatiques. Tous ces profils-là sont les bienvenus au Quai d’Orsay. On les recherche activement. Je voudrais insister sur le sens de l’engagement de notre ministère et montrer à quel point c’est pour tous les agents qui participent de l’action diplomatique de la France un vrai motif de fierté de servir la France dans son rayonnement à l’international.

Q - Vous recrutez des gens sur des missions de deux ans renouvelables ? On a reçu cette question de Vincent par e-mail qu’on salue, qui vous demande quelles sont les perspectives de titularisation après un contrat avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ?

R - Nous recrutons, je dirais, pour la moitié de nos agents, des contractuels. Une très forte part de nos agents sont contractuels et souvent passent des concours internes, ce qui leur permet ensuite de mener une carrière au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. C’est une voie qui est souvent empruntée par nos agents. Et je signale également le volontariat international que j’ai moi-même pratiqué, fut un temps lointain, volontariat international qui est très intéressant pour des premiers postes, puisqu’il permet d’avoir une expérience à l’étranger, auprès de nos ambassades, et finalement de se frotter à cette action internationale pendant un ou deux ans pour ensuite passer des concours ou intégrer le Quai d’Orsay par une voie contractuelle.

Q - Question très concrète : vous nous avez souligné le rôle, évidemment, de faire rayonner la parole de la France ; pour ça, c’est bien d’avoir des gens polyglottes pour pouvoir être installés dans différents pays - notamment, je crois que vous recrutez à l’Institut français d’Allemagne, du côté de Munich. Quelles sont les langues les plus compliquées à trouver ? Les profils ? Quelles sont les langues dont vous avez besoin ? Idéalement, je suis candidat, je suis candidate, quelle langue dois-je parler pour avoir des chances de candidater de manière réussie chez vous ?

R - Il faut parler anglais. C’est vraiment le prérequis. On attend de tous les agents du Quai d’Orsay qu’ils puissent s’exprimer de façon courante en anglais, dans toutes les fonctions qu’ils exercent. Ensuite, on va chercher des polyglottes sur des langues particulières. Il y a un concours qui s’appelle traditionnellement le concours d’Orient, qui prévoit de passer le concours avec des langues comme l’arabe, le chinois, le japonais, le persan, mais aussi des langues d’Afrique, le swahili. Et nous allons d’ailleurs étendre au peul et au wolof dans les mois à venir ce concours. Donc toutes ces langues-là nous intéressent. Notre réseau diplomatique, aujourd’hui, il parle en 50 langues. Vous voyez que les compétences linguistiques dont nous avons besoin, elles sont extrêmement variées.

Q - Voilà, parler les langues étrangères, évidemment pour négocier au mieux la position de notre pays dans le monde entier. Vous parlez vous-même couramment arabe. Vous m’avez raconté en préparant cette interview, voilà, comment, concrètement, parler une langue étrangère rare ou moyennement rare, eh bien, c’est une des voies d’accès privilégiées pour évidemment atterrir à des postes à l’intérieur de ce ministère. Autre question très concrète : on est sur un marché de l’emploi où les candidats ont la main, si je puis dire ; comment un ministère comme le vôtre s’en sort en ce moment dans la guerre des talents ? On le sait, il y a beaucoup de tensions : vous avez évoqué vos besoins en développeurs, vos besoins en analystes, en cybersécurité, ce sont des positions où les candidats peuvent aller choisir, si je puis dire un peu, où ils veulent. Comment vous vous en sortez dans cette guerre des talents sur les postes ou les fonctions les plus compétitives ?

R - Merci pour cette question qui est extrêmement importante. Je crois qu’il y a trois choses. Tout d’abord, c’est le sens de l’engagement. Les gens qui viennent chez nous ont une vraie fierté de travailler pour la France et pour la diplomatie globale de la France à l’international. La deuxième, c’est évidemment les conditions de travail. Vous mentionniez le télétravail tout à l’heure : il y a trois jours par semaine possibles de télétravail au Quai d’Orsay. Vous avez la possibilité de travailler donc dans différentes parties de la France, à Paris, La Courneuve, Nantes, mais aussi à l’étranger. Donc c’est évidemment extrêmement attractif. Et enfin, il y a une vraie politique interne de formation, de promotion dans le passage de concours internes, qui permet à ces carrières d’être attractives en sens propre pour l’individu qui choisirait cette voix. Donc sur ces trois aspects, je crois qu’on est attractif. Et le dernier point, je dirais que c’est vraiment l’intérêt que tous nos agents ont pour la matière qu’ils traitent, parce qu’évidemment, être aujourd’hui actifs dans le règlement de la guerre en Ukraine, traiter de climat, de biodiversité, à ce niveau de négociation internationale, c’est passionnant et c’est ce que nous vivons tous les jours.

Q - Notamment, question pour les gens qui seraient dans une quête de reconversion ; pour ceux qui ont une première vie dans le privé ou dans le public, et qui aimerait se tourner vers une fonction avec une mission, un sens, rejoindre en particulier ce ministère et mettre au service peut-être des compétences acquises dans une autre carrière. On parlait du climat à l’instant, c’est compliqué de trouver des experts climat de manière… avec du volume. Est-ce que c’est possible quand on a fait carrière avant de devenir agent, agente, au ministère, et quelles sont les voies rapides pour le faire ?

R - Absolument. Nous avons des voies de mobilité entre ministères, et d’ailleurs nous accueillons énormément de fonctionnaires d’autres ministères au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Donc si vous avez développé une compétence dans un autre ministère, comme le ministère de la transition écologique et solidaire, c’est une possibilité de carrière pour vous que de venir au Quai d’Orsay. Vous pouvez aussi avoir développé cette compétence dans le privé. Vous évoquiez cette question de climat : aujourd’hui, par exemple, nous recherchons un conseiller en finance durable pour participer à l’équipe de négociation du One Planet Summit.

Q - Rappelez-nous ce que c’est que ce sommet.

R - Ce sommet, c’est une coalition d’acteurs qu’a inventé et lancé le président Emmanuel Macron au début de son mandat, et qui permet de rassembler à la fois des acteurs étatiques mais aussi des acteurs de la finance internationale. Donc des grands philanthropes, mais aussi des grands fonds d’investissement, qui tous ont une responsabilité sociale à participer à l’action climatique. Et donc il faut être à la fois évidemment spécialiste de la finance, avoir une bonne connaissance de ce réseau d’acteurs, être passionné de climat et d’action climatique, et pouvoir rejoindre une équipe de négociation qui travaille avec la totalité de ces acteurs.

Q - Je vais vous poser une dernière question. On a parlé, peut-être des plus seniors ou des profils seniors en potentielle reconversion, mais aussi les plus jeunes. Sylvie, qui est à la direction d’un CFA du côté de Lille, qui vous demande : est-ce que vous prenez concrètement des stagiaires qui sortent d’IEP, qui sortent de Sciences Po ?

R - Absolument. On prend énormément de stagiaires, donc je vous invite vraiment à vous inscrire sur les plateformes dédiées pour pouvoir faire un stage à la fois en France, mais aussi en ambassade. Et ça, c’est vraiment une expérience extraordinaire pour tous ces jeunes qui partent à l’étranger. Les stagiaires, c’est une manière d’entrer au Quai d’Orsay, en tout cas de voir comment nous travaillons au quotidien. Il y a aussi les volontaires internationaux, comme je l’indiquais, et là-dessus, les jeunes peuvent s’inscrire sur la plateforme Indeed pour faire des expériences. Moi, par exemple, j’étais volontaire internationale à l’ambassade au Yémen, ce qui n’est pas une expérience donnée à tous. C’était passionnant pour commencer ma carrière diplomatique. Et enfin, nous avons créé, il y a deux ans, l’Académie diplomatique d’été, qui permet finalement de sensibiliser les plus jeunes générations, plutôt des élèves qui sont en première ou en terminale et qui s’intéresseraient à la chose diplomatique, et qui ont la chance, chaque été, de venir passer une semaine avec nous pour comprendre comment fonctionne la diplomatie française et échanger avec ceux qui la font.

Q - Voilà, recherche de sens peut être pour les plus jeunes : la guerre en Ukraine, évidemment, mais aussi le climat ou encore le droit de la mer, qu’on n’a pas le temps d’évoquer. Ce sont autant de missions qu’on peut aller tenter d’adresser, on va dire, en rejoignant le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Merci beaucoup Anne-claire Legendre. Comme il est d’usage, je vous envoie sur les différents sites. Vous pouvez évidemment postuler au ministère, ça se passe sur le site "place de l’emploi public", un site de référence pour postuler évidemment dans la fonction publique, mais aussi sur le site "France Diplomatie". Je vous rappelle quelques-uns des postes : conseiller finance durable pour le One Planet Summit, conseiller/conseillère juridique droit de la mer, chef de site, chef de bureau, analyse Cybersécurité, mais aussi attaché de coopération scientifique et universitaire. Ça se passe dans nos instituts, qui portent évidemment la francophonie. On vous souhaite d’arriver aussi à recruter. On espère avoir pu mettre un coup de lumière sur certains des postes qui peuvent parler à nos auditeurs, à nos auditrices, du privé et du public.