Rencontre avec la physicienne Francesca Ferlaino, figure majeure de la recherche quantique en Autriche

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Autriche | Science de la matière : matériaux, physique, chimie, optique
27 mars 2024

En 2023, l’excellence de la recherche française en physique quantique a de nouveau été récompensée par le Prix Nobel décerné à la physicienne Anne L’Huillier, spécialiste des lasers ultra-courts (pour plus d’information, consulter la veille du mois de février 2024). A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars et à la récente journée internationale des femmes et des filles de science, le 11 février dernier, le service scientifique et universitaire a rencontré Francesca Ferlaino, figure majeure de la recherche en physique quantique des gaz froids de l’Institut de physique expérimentale de l’université d’Innsbruck de l’Institut d’optique et d’information quantiques (IQOQI) de l’Académie autrichienne des sciences (ÖAW).

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©IQOQI

Après avoir effectué des études en physique à l’université Federico II de Naples et obtenu son doctorat à l’Università degli Studi di Firenze, Francesca Ferlaino a poursuivi un post-doctorat au sein du groupe du professeur Rudolf Grimm à l’université d’Innsbruck. Grâce à l’obtention du prestigieux prix START destiné aux jeunes chercheurs d’excellence du Fonds autrichien pour la science (FWF), et à un premier financement « Starting grant » du Conseil européen de la recherche (ERC), la chercheuse est rapidement devenue une figure importante de la physique quantique en Autriche en établissant son propre groupe de recherche indépendant à l’université d’Innsbruck.

Travaillant à fois sur la physique quantique théorique et expérimentale, la chercheuse d’origine italienne est spécialisée sur les atomes ultra froids et les gaz quantiques à très fort magnétisme. Son groupe de recherche « Dipolar Quantum Gas Group » étudie les gaz quantiques dipolaires composés d’atomes d’Erbium (Er) et de Dysprosium (Dy). « Ces atomes extraordinairement magnétiques constituent une nouvelle ressource puissante pour atteindre la simulation quantique, opération consistant à modéliser ou à reproduire artificiellement un système quantique, afin d’étudier les propriétés et le comportement de la matière, car ils ont la propriété de pouvoir communiquer sur des longues portées », explique la chercheuse, et en complétant « Nous avons déjà pu constater que les atomes communiquaient entre eux, dans un état particulier, lorsque celui-ci était le plus approprié pour établir une communication ». Son groupe de recherche essaie ainsi de comprendre comment les atomes s’organisent entre eux en formant de nouveaux états de la matière, allant au-delà des états dits classiques (gazeux, solide et liquide).

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La physicienne dans son laboratoire ©IQOQI

Un engagement pour plus de femmes dans la recherche quantique

Au-delà d’être une figure de la recherche quantique en Autriche, Francesca Ferlaino est engagée pour l’égalité des genres et la représentation des femmes dans la science. Récemment, en novembre 2023, la chercheuse a obtenu le prix « Grete Rehor » pour son projet « Atom*innen », unique prix du gouvernement autrichien dédié aux femmes scientifiques engagées pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

« La place des femmes en sciences dites exactes demeure encore très marginale, ce constat est indéniable. Pour essayer de contrer ce phénomène, il est essentiel de comprendre les raisons et d’identifier l’efficacité des mesures mises en place. C’est dans cette réflexion là que j’ai décidé de porter le projet d’Atom*innen. », comme l’explique Francesca Ferlaino.

Les objectifs du projet sont : d’informer sur la sous-représentation des femmes dans ce domaine, d’accompagner les femmes pour déposer des projets de subventions et postuler à des prix scientifiques pour être plus visibles, de mettre en place des actions pour promouvoir des nouveaux modèles de femmes dans la science, tout en rendant la recherche moins sexiste. Afin de soutenir les objectifs d’Atom*innen, un poste dédié à l’égalité des sexes au sein de l’Institut a été mis en place, sous l’impulsion de la chercheuse. De plus, Francesca Ferlaino nous a présenté ses rôles modèles de femmes scientifiques comme la physicienne Deborah Jin de l’Université du Colorado, pionnière sur les gaz quantiques ultra froids de fermions. Au-delà de sa recherche, le dynamisme de la chercheuse américaine a grandement marqué la professeur Ferlaino :

« Déborah Jin a créé une génération de femmes chercheuses en développant des programmes pour soutenir leurs parcours, et c’est un peu ce que je souhaite de reproduire à mon échelle avec le projet Atom*innen », explique la chercheuse italienne.

Une relation très étroite avec la France

Ayant grandi dans le système éducatif français au sein du collège français de Naples, Francesca Ferlaino entretient au quotidien un lien particulier avec sa « patrie natale par procuration » dans son travail au sein de son laboratoire. En effet, parmi son équipe sont présents des doctorants et post-doctorants venus de France. « La France est spécialisée sur les gaz très froids, et dispose d’un excellent écosystème », souligne la chercheuse. De nombreux Prix Nobel ont été récompensés pour leurs travaux dans le domaine de la physique des gaz froids, tels que Serge Haroche, prix Nobel de physique en 2012, et de nombreux chercheurs français sont renommés dans ce domaine tels que Michèle Leduc, fondatrice de l’Institut francilien de recherche sur les atomes froids (IFRAF), Jean Dalibard, professeur au Collège de France ou encore Christophe Salomon, spécialiste de l’optique quantique et des atomes froids. Au-delà des institutions à Paris, le dynamisme de la recherche en physique quantique est également très présent en région, avec pour exemple le Quantum Matter Bordeaux de l’Université de Bordeaux, ou encore le Centre européen de sciences quantiques récemment inauguré en 2023 à Strasbourg. Sa collaboration particulière avec la France a été récompensée par l’obtention en 2019 du Prix Cécile Dewitt-Morette/ Ecole de physique des Houches de l’Académie des sciences de l’Institut de France.

Récompenses :

  • 2023 : Lauréate du prix du gouvernement autrichien « Grete Rehor » pour sa contribution à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la physique quantique, longtemps dominé par les hommes, et pour le projet « Atom*innen » qu’elle a lancé.
  • 2021 : membre correspondant de la classe des mathématiques et des sciences naturelles
  • 2009  : Lauréate du prix START du Fonds autrichien pour la science (FWF)
  • Lauréate des prestigieuses bourses ERC (une subvention ERC-Starting, une subvention ERC-Consolidator et une subvention ERC-Advanced).

Rédactrice : Emeline Ogereau, emeline.ogereau[at]diplomatie.gouv.fr - http:/at.ambafrance.org