Shalini Randeria, nouvelle présidente de la Central European University - "Notre nouveau chez-nous est Vienne"

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Autriche

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29 octobre 2021

Shalini Randeria, professeure en anthropologie sociale, est devenue la nouvelle présidente de l’Université d’Europe Centrale (Central European University - CEU) en août dernier. Retour sur sa nomination dans un contexte mouvementé.

Non-accréditée en Hongrie, la CEU, co-fondée par le milliardaire américain d’origine hongroise Georges Soros, a organisé son déménagement partiel de Budapest vers Vienne en 2019. La CEU est une institution dédiée à l’enseignement et à la recherche en sciences humaines et sociales et en droit. Ouverte aux étudiants de master et aux doctorants, elle a été conçue par un groupe d’académiciens grâce au soutien financier de George Soros. L’université a d’abord opéré à Prague, où elle a ouvert en 1991, avant de déménager à Budapest en 1993. Jusqu’en 2018, l’université était accréditée en Hongrie et aux États-Unis.

Le déménagement partiel des activités de la CEU avait été annoncé fin 2018. En effet, en avril 2017, la loi hongroise a modifié les exigences qui s’appliquent aux campus d’universités étrangères, ce qui a donc affecté l’accréditation de la CEU en Hongrie. L’annonce du déménagement des programmes accrédités aux États-Unis le 3 décembre 2018 a suivi de quelques jours le refus du gouvernement hongrois de ratifier l’agrément permettant à l’université de décerner un diplôme américain en Hongrie. Le déménagement de la CEU est par ailleurs concomitant de celui de l’Open Society Foundation, réseau de fondations également financé par George Soros, de la Hongrie vers l’Allemagne.

"Qu’un gouvernement d’un État de l’UE puisse bannir une université libérale semblait impensable jusqu’à récemment", explique la présidente Shalini Randeria au Standard. C’est en effet dans ce contexte difficile que Madame Randeria a pris ses fonctions en tant que présidente de la CEU. Née à Washington, cette femme aujourd’hui âgée de 66 ans a grandi en Inde, a effectué ses études à l’université d’Oxford, puis a mené une carrière dans diverses universités et institutions de recherche européennes - dernièrement, depuis 2015, en tant que rectrice de l’Institut des sciences humaines (IWM) à Vienne.

En conséquence, Mme Randeria considère que l’une de ses principales tâches en tant que nouvelle présidente d’université consiste à aider les personnels enseignant et administratif à bien s’installer à Vienne : "La CEU n’est pas une université en exil. Notre nouveau chez-nous est Vienne, et nous sommes venus pour y rester. Si nous sommes une université américaine en termes de culture, de langue et d’approche pédagogique, nous sommes aussi déjà une université autrichienne". Des mots forts pour une université qui avait été qualifiée d’ "excellent enrichissement pour l’Autriche en tant que pôle scientifique" en 2019 par l’ancienne ministre fédérale autrichienne de l’éducation, de la science et de la recherche, Iris Rauskala (citation originale : "Die CEU stellt eine ausgezeichnete Bereicherung für den Wissenschaftsstandort Österreich dar").

Néanmoins, le maintien de la présence hongroise de la CEU n’a pas encore été décidé. En effet, à Budapest, la CEU possède toujours la bibliothèque, l’Institut d’études avancées, les archives de l’Open Society et le tout nouvel Institut de la démocratie. "Ce qui est clair, c’est que la situation juridique en Hongrie ne nous permet plus d’enseigner, mais nous serions toujours autorisés à y faire de la recherche."

En termes d’aménagements, un bâtiment bancaire du dixième arrondissement de Vienne a été transformé cette année en un bâtiment universitaire moderne pour accueillir les nouveaux locaux de la CEU. Cependant, ce site n’est que provisoire, et un chantier encore plus grand attend Randeria, puisque la CEU devrait définitivement s’installer dans une partie de l’ancien hôpital Otto Wagner sur les hauteurs du quatorzième arrondissement de Vienne en 2025.

Le déménagement de Budapest à Vienne a également entraîné d’autres changements au sein de l’université. La CEU, avec ses 1300 étudiants originaires de 103 pays, restera une université privée avec l’anglais comme langue d’enseignement. Mais depuis un an, outre les programmes de Master et de doctorat établis, notamment en sciences sociales et humaines, des programmes de licence ont également été lancés. Ces derniers étaient une condition préalable à l’accréditation autrichienne de la CEU. La nouvelle présidente de la CEU souhaite également attirer plus d’étudiants autrichiens avec ces nouveaux programmes de licence.

En matière d’enseignement, les taux d’encadrement affichés sont très élevés : actuellement, le rapport entre les enseignants et les étudiants est d’environ un pour huit. Dans ce contexte, Mme Randeria souligne également que la CEU est une université privée, mais pas élitiste, puisque 82 % des étudiants bénéficient de bourses. Et plus de la moitié des étudiants ne sont pas originaires d’Europe mais viennent des pays dits du Sud.

Pour en savoir plus :

Rédactrice : Kalina Esmein, kalina.esmein[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/