Les antioxydants favorisent la croissance des cellules tumorales des cancers du Foie.

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Hong Kong

Rapport
Hong Kong | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
2 mars 2016

L’équipe de recherche de la Faculté de Médecine de l’Université de Hong Kong (HKU), dirigée par le Professeur Irene Ng, Professeur en Pathologie, directrice du département de Pathologie et directrice du « State Key Laboratory for Liver Research » [1], a publié récemment, dans la revue PNAS [2, 3], un travail mettant en évidence l’effet favorable des antioxydants sur la croissance des cellules cancéreuses dans les cancers du foie et autres cancers ayant les mêmes voies métaboliques, comme le cancer colorectal et le cancer des poumons. Les résultats de cette étude permettent, d’une part, de recommander aux malades atteints de tels cancers de ne pas consommer d’antioxydants à des doses importantes, et d’autre part, d’élaborer de nouvelles approches thérapeutiques.

Article rédigé le 02/03/2016

Le cancer primaire du foie (carcinome hépatocellulaire, HCC) représente le 5ème cancer en terme de fréquence dans le monde, avec quelques 800 000 nouveaux malades chaque année et le second cancer en terme de nombre de décès, étant responsable d’environ 746 000 décès en 2012, soit 9.1% du total de décès par cancer dans le monde [4]. L’Asie est particulièrement touché par cette maladie et il est estimé que 55 % des nouveaux cas sont recensés en Chine. Cela en fait la 2ème cause de décès par cancer en Chine, et la 3ème à Hong Kong, où ont été enregistrées 1524 décès dus à cette maladie en 2013, représentant 11,2 % des décès liés au cancer, avec un taux de mortalité de 33,7 pour 100 000 personnes chez les hommes et 10,4 pour 100 000 personnes chez les femmes [5] . Avec 1 790 nouveaux cas recensés en 2012 (pour 8 200 en France), le cancer du foie est le 4ème cancer le plus fréquent à Hong Kong : il représente 6,4 % des nouveaux cas de cancer en 2012, avec un ratio homme/femme de 3.2 pour 1.

Du fait de la haute prévalence (8 à 10 %) du virus de l’hépatite B (HBV) dans la population, l’incidence de HCC est particulièrement haute à Hong Kong avec plus de 1 400 nouveaux cas par an, 80 % des malades de HCC se révélant porteur du HBV.

Les moyens de traitement curatifs sont limités et dépendent de l’état de la tumeur [6]. L’ablation chirurgicale, possible dans seulement 20 % des cas, permet un taux de survie à 5 ans de 55 % et est souvent suivie d’une rechute. La destruction de la tumeur par radiofréquences est aussi une alternative si la tumeur est petite et localisée. Cette technique assez récente consiste à diffuser de la chaleur via une électrode implantée au contact de la tumeur.
Une ablation totale suivie d’une transplantation du foie, privilégiée dans le cas de tumeur volumineuse ou disséminée en plusieurs endroits du foie, peut être envisagée. Elle est associée à de meilleurs résultats avec un taux de survie à 5 ans de 75 % dans les cas de cancer très précoces et est évidemment très limitée par l’accès à un donneur. Mais la chirurgie n’est pas toujours possible. Si la tumeur se développe sur un foie déjà malade, comme c’est souvent le cas, il risque de ne pas rester suffisamment de tissu sain pour permettre à l’organe de se régénérer et de fonctionner normalement après une ablation partielle. La chimio-embolisation reste alors la voie thérapeutique de référence. Elle va permettre de freiner la progression de la tumeur et, ainsi, de prolonger la vie du patient. Réalisée sous anesthésie locale par un radiologue, cette intervention consiste à injecter un traitement médicamenteux de chimiothérapie directement dans le foie tout en bloquant le sang qui alimente la tumeur [7].

Le développement de toute autre piste de chimiothérapie spécifique à ce type de cancer est donc absolument nécessaire. Le développement de “thérapies ciblées” passe par une meilleure compréhension des mécanismes de croissance cellulaire tumorale. C’est l’objet des travaux de recherche du département de pathologie de l’Université de Hong Kong (HKU).

L’étude publiée récemment dans PNAS [3] étudie la “reprogrammation métabolique” dans les cellules tumorales dans le cas de HCC, phénomène qui reste encore très mal compris, avec l’objectif de mettre en évidence des cibles thérapeutiques spécifiques du HCC.

Basée sur un modèle animal de HCC, cette étude montre que l’excès d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) ou de radicaux libres, en augmentant le stress oxydatif, est nocif pour les cellules cancéreuses et abaisse leur taux de croissance. Or, l’étude montre, en outre, que la voie des pentoses phosphates (PPP) produit plus d’antioxydants dans les cellules cancéreuses. Or, les antioxydants, par leurs propriétés chimiques, éliminent les radicaux libres et diminuent de façon conséquente le stress oxydatif. Cet effet antioxydant joue donc en faveur de la croissance des cellules cancéreuses. Plus important encore, l’équipe de recherche estime que le ciblage thérapeutique de la transcétolase TKT l’enzyme clé du PPP créerait des vulnérabilités métaboliques dans les cellules cancéreuses, améliorant la sensibilité des cellules cancéreuses aux traitements médicamenteux. Par ailleurs, alors que les nutritionnistes recommandent de forts apports en antioxydants dans l’alimentation, cette étude montre que dans le cas de patients atteints de cancers du foie et autres cancers ayant les mêmes voies métaboliques, il est préférable d’en limiter la consommation.

Les résultats de ces travaux pourraient avoir des répercussions cliniques significatives. Tout d’abord, l’identification et la caractérisation de la machinerie métabolique dans le cancer du foie est essentielle à la compréhension de la pathogenèse de la maladie ainsi que la conception de nouvelles interventions thérapeutiques pour les patients atteints de HCC. Cette étude a montré que le PPP constitue une cible thérapeutique intéressante. Ensuite, l’étude sensibilise le public sur le fait que la supplémentation en antioxydants peut ne pas être bénéfique pour les patients atteints de cancer du foie. Enfin, les résultats sont applicables aux autres formes de cancer ayant la même voie métabolique, y compris le cancer colorectal, le cancer rectal, le cancer de la vessie, le cancer gastrique, le cancer de l’ovaire, le cancer du poumon, le cancer du rein et le cancer de la prostate.

Sources :

[1] Département de Pathologie de la Faculté de Médecine de l’Université de Hong Kong, http://www.patho.hku.hk/staff/list/ing.html
[2] Communiqué de presse de HKU,
http://www.med.hku.hk/v1/news-and-events/press-releases
[3] Publication dans la revue Proceeding of the National Academy of Sciences of the United States of America, PNAS, (2016) vol. 113 no. 6, E725–E734, doi : 10.1073/pnas.1508779113 http://www.pnas.org/content/113/6/E725.full
[4] Données de l’International Agency for Cancer Research de l’Organisation Mondiale de la Santé,
http://globocan.iarc.fr/old/FactSheets/cancers/liver-new.asp
[5] Centre for Health Protection, Department of Heath, Hong kong
http://www.chp.gov.hk/en/content/9/25/52.html
[6] Institut Curie contre le cancer
http://curie.fr/fondation/cancer-foie-traiter-fonction-tumeur
[7] Bulletin de veille scientifique du Consulat général de FRance à Hong Kong et Macao rédigé par Isabelle Saves, le 27/10/2014

Rédacteur :

Isabelle SAVES, Attachée de mission scientifique - Hong Kong