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Israël | Science de la matière : matériaux, physique, chimie, optique
21 décembre 2018

Les mêmes forces qui permettent aux fourmis ou bien aux geckos de se mouvoir aisément sur les murs de votre maison affectent sensiblement tout être vivant ou objet suffisamment petit. Cette adhérence bénéfique aux animaux est un véritable cauchemar pour nos appareils électroniques, dont les constituants collent alors les uns aux autres. Prof. Ulf Leonhardt, de l’Institut Weizmann, et Dr. Ephraim Shahmoon, chercheur à l’Université de Harvard, se sont attaqués à ce problème en s’attelant à l’étude d’une branche peu explorée de la physique moderne, celle des forces liées aux fluctuations du vide.

Prof. Ulf Leonhardt, de l’Institut Weizmann, et son ancien étudiant, Dr. Ephraim Shahmoon, dorénavant chercheur à l’Université de Harvard, suggèrent qu’une compréhension poussée des forces dites de Casimir pourrait aider à la résolution de problèmes qui impactent la conception des appareils électroniques. Ces forces d’origines quantiques, qui permettent aux geckos ou bien aux fourmis de se déplacer sur les murs, sont aussi un fléau pour les designers de matériel électronique car, à cause d’elles, les constituants de circuits électroniques adhèrent les uns aux autres. Cela impacte par exemple le bon fonctionnement des gyroscopes dans votre téléphone portable ou le déclenchement des airbags dans votre voiture. Plus généralement, ces forces affectent les propriétés des briques de base de tout circuit électronique : les résistances et les condensateurs.

Image. Les forces qui permettent aux fourmis de marcher sur les murs affectent aussi le bon fonctionnement des circuits électroniques (crédits : Institut Weizmann)

Image. Les forces qui permettent aux fourmis de marcher sur les murs affectent aussi le bon fonctionnement des circuits électroniques (crédits : Institut Weizmann)

Prenez par exemple deux petits miroirs, positionnez-les face à face, placez-les dans le vide et rapprochez-les l’un de l’autre de sorte à former une cavité. Comme l’ont été les chercheurs qui ont réalisé l’expérience en 1994, vous serez surpris de voir qu’ils vont s’attirer sous l’effet de la force dite de Casimir. Derrière ce curieux comportement se cache la mécanique quantique qui prédit que des photons, les particules élémentaires de lumière, peuvent apparaitre puis disparaitre spontanément entre les miroirs ainsi que derrière ceux-ci. Il se trouve en fait que les photons peuvent davantage apparaître derrière les miroirs qu’à l’intérieur de la cavité car, pour pouvoir se propager entre deux miroirs, un photon ne peut prendre que certaines couleurs, alors qu’il peut prendre n’importe laquelle lorsqu’il se propage dans le vide. Il y a ainsi plus de photons qui exercent une pression sur les parois des miroirs vers l’intérieur de la cavité que vers l’extérieur de celle-ci. Cela résulte en une force qui tend à rapprocher les miroirs l’un de l’autre.
Similairement, lorsque deux objets microscopiques sont très proches, ils peuvent échanger des électrons, résultant en une force dite de van der Waals qui les attire l’un à l’autre (lorsque l’on travaille à cette échelle). Ces forces très délicates n’affectent sensiblement que des objets de petites tailles.

Le travail du Prof. Leonhardt et du Dr. Shahmoon permet de mieux comprendre ces forces et de concevoir ainsi de nouveaux composants électroniques moins sensibles à celles-ci, et donc de permettre la conception d’appareils plus fiables. « Une grande partie de la mécanique quantique, qui nous paraît si étrange et éloignée de notre réalité, peut finalement nous aider à comprendre et modeler notre expérience quotidienne », ajoute Prof. Leonhardt.

Sources :
https://wis-wander.weizmann.ac.il/space-physics/addressing-problem-stickiness
http://advances.sciencemag.org/content/4/4/eaaq0842

Rédacteur : Arnaud Courvoisier, doctorant à l’Institut Weizmann