Un trou noir au Technion
Actualité
Israël
|
Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
30 juillet 2015
Pas de panique, aucun risque que le célèbre institut technologique israélien soit englouti dans une faille spatio-temporelle. Plus terre à terre, des chercheurs de la faculté de physique tentent de reproduire et valider une théorie sur le rayonnement des trous noirs énoncée par le célèbre physicien Stephen Hawking, apportant ainsi une pièce importante à un puzzle scientifique vieux de quarante ans.
Le rayonnement d’Hawking
Il y a quarante ans, le physicien Stephen Hawking émet l’hypothèse que les trous noirs ne sont pas aussi noirs que les scientifiques peuvent l’imaginer, et émettent en réalité un faible rayonnement.
Avant cette découverte, les modèles classiques de trous noirs montraient que la force gravitationnelle de ces derniers empêchait toutes les particules de s’échapper, y compris les photons composant la lumière (d’où le nom de trou noir). Chaque trou noir a ainsi un horizon, au-delà duquel il est impossible de voir, étant donné qu’aucune particule piégée ne peut s’échapper et être détectée par un élément extérieur.
Enfin presque. La découverte d’Hawking découle de l’étude des trous noirs en utilisant les outils de la mécanique quantique, et de l’observation que les lois régissant cette dernière impliquent forcément l’existence d’un (très) faible rayonnement venant des trous noirs. Pour faire simple, on sait qu’en permanence dans l’univers sont générées par les fluctuations quantiques du vide des paires de particule-antiparticule.
Généralement, ces paires s’annihilent immédiatement, sans conséquence visible. Cependant, dans le cas où une paire apparaît au niveau de l’horizon d’un trou noir, un phénomène différent prend place : la force gravitationnelle du trou noir sépare les deux éléments avant qu’ils aient eu le temps de s’annihiler. L’un est absorbé par le trou noir alors que l’autre s’éloigne du trou noir dans le sens opposé, produisant alors par accumulation un très faible rayonnement.
Si la théorie physique prédit donc un rayonnement des trous noirs, la détection par les instruments s’avère plus compliquée. Jusqu’ici, le rayonnement d’Hawking n’a ni pu être détecté, ni pu être reproduit en laboratoire à l’aide d’équipement à la pointe comme le LHC au CERN.
Une expérience terrestre très similaire
Si les scientifiques ne sont pas encore parvenus à étudier directement le rayonnement des trous noirs, ils ont imaginé un dispositif similaire reposant non pas sur les ondes gravitationnelles mais sur les ondes sonores. Le professeur William Unruh de l’université de British Columbia a pour la première fois suggéré l’existence de tels « trous sourds » lorsque la vitesse de déplacement d’un fluide dépasse celle du son qui voyage dans ce même fluide.
Ce dispositif théorique intéresse depuis plusieurs années le professeur Heff Steinhauer de la faculté de physique du Technion. Ainsi, en 2009, il a pu rapporter la première observation au monde d’un tel trou noir sonore. Cette découverte a été la première pierre dans son programme ambitieux visant à détecter un analogue au rayonnement de Hawking. Ce dernier a pu être décrit dans son dernier article académique, publié dans la revue Nature Physics.
De manière complètement analogue aux paires de particules apparaissant à l’horizon de trous noirs, il a pu expérimentalement mettre en évidence l’apparition d’une paire de phonons (quasi-particule représentant l’énergie d’ondes sonores) à la frontière de trous noirs sonores. Le dispositif expérimental utilisé ayant un effet amplificateur sur ce faible rayonnement, ce dernier a ensuite pu être détecté et quantifié, validant ainsi indirectement la théorie de Stephen Hawking.
Bien que venant quarante après la prédiction théorique, ce résultat redémontre l’importance de la physique expérimentale pour faire avancer la théorie en la confrontant au monde réel.
Sources :
[1] http://www.focus.technion.ac.il/Jan15/news_story2.asp
Auteur :
Paul Balança, VI chercheur en Israël (Technion)
Angélique Toulon, chargée de mission scientifique à l’ambassade de France d’Israël