Point sur Vostochny à 4 mois du premier lancement

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1er septembre 2015

Vostochny, qui signifie « de l’Est », est le nom du nouveau cosmodrome russe construit dans la région de l’Amour.

Aujourd’hui, la Russie s’appuie sur les cosmodromes de Plesetsk (Russie) et de Baïkonour (Kazakhstan) pour effectuer ses lancements spatiaux. Le cosmodrome kazakh est loué à hauteur de 115 millions de dollars américains par an jusqu’en 2050, c’est une des raisons pour laquelle la construction de Vostochny a été décidée. A l’horizon 2020, l’agence spatiale russe Roscosmos espère que 45% des lancements spatiaux s’effectueront à Vostochny, 44% à Plesetsk et seulement 11% à Baïkonour.

Historique et perspectives politiques :
Dans les années 90, le gouvernement russe avait déjà voulu faire de Plesetsk le cœur de son centre spatial. Seulement sa position géographique ne lui permettait pas d’effectuer des lancements vers toutes les orbites commercialement intéressantes. Les autorités russes ont donc décidé de se pencher sur une autre base de lancement et 3 sites d’installations ont été mis en avant en 1993, tous dans l’Extreme-Orient. C’est finalement sur l’ancienne base de missile Svobodny 18 que s’est porté le choix du développement d’un nouveau cosmodrome. Les anciens pas de tir de ce complexe militaire pouvaient être réaménagés pour les lancements de fusées Rockot et Strela. En 1996, le président Yeltsin signe un document attribuant à Svobodny le nom de « Cosmodrome ».

Une telle reconversion s’est néanmoins avérée être trop coûteuse et seuls 5 lancements sont réalisés avant qu’en février 2007 un décret présidentiel ne ferme le site de lancement de Svobodny. Les infrastructures ne sont pas pour autant abandonnées puisqu’à peine sept mois plus tard, le 6 novembre 2007, Vladimir Poutine signe un décret annonçant le développement du nouveau cosmodrome de Vostochny, dans la région de l’Amour. Le complexe s’appuiera sur les structures déjà existantes de l’ancien cosmodrome de Svobodny. Ainsi seront exploités : une salle blanche, des stations de télémesure, les anciennes lignes de chemin de fer et des silos d’entrepôts. Vostochny pourra également profiter des infrastructures présentes autour d’Uglegorsk comme la Magistrale Baïkal-Amour (ligne de transibérien) et l’autoroute Chita-Khabarovsk.

Le choix de Vostochny dans l’Extreme-Orient est également un choix politique. Dans l’optique de développement de l’Extreme-Orient, ce projet d’envergure doit permettre un développement de l’économie locale. Ainsi la ville d’Uglegorsk (anciennement Svobodny-18) où sont logés les employés du cosmodrome devrait voir sa population passer de 5 000 habitants aujourd’hui à 30 000 habitants à la fin du développement du cosmodrome. L’abandon progressif des positions russes à Baïkonour marque également une nouvelle vision de la relation spatiale entre la Russie et le Kazakhstan.

Développements théoriques et concrets :
La gestion du cosmodrome de Vostochny est sous la responsabilité d’Igor Svetlov, ancien directeur du centre d’essais de ravitaillement des installations de TsENKI (Centre des opérations pour les opérations des infrastructures spatiales au sol). L’entrepreneur général pour la construction du cosmodrome est l’organisation fédérale Spetsstroy.

Le planning de développement du cosmodrome déterminé par le décret du président Poutine est le suivant :
• 2008-2010 : Design et recherche
• 2015 : Construction et mise en service des unités de la première étape pour la préparation et le lancement de satellites commerciaux, de cargos et de modules de stations orbitales. Premier lancement Soyouz.
• 2018 : Construction et mise en service des unités de la deuxième étape pour les programmes de vols habités. Le premier vol habité est prévu pour 2023.

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Les futures installations source : Roscosmos

A partir de ces dates indicatives, les étapes suivantes ont été mises en place :

1) Etape de préparation :
Reconnaissance, cartographie et ingénierie pour sélectionner le lieu de construction du cosmodrome.

2) Première étape :
Construction des unités de la base pour le lancement de Soyouz-2 (pas de tir, station sol, station de ravitaillement…)
Construction des infrastructures sociales, d’appui et de transport (habitations pour 12,000 habitants), routes et chemins de fer, base industrielle et opérationnelle du cosmodrome.

3) Deuxième étape :
Construction des infrastructures pour les tirs de lanceurs lourds qui devront atteindre les orbites, lancements coûteux en énergie. Agrandissement de la zone résidentielle pour accueillir une population de 20,000 habitants. Construction d’un aéroport.

4) Troisième étape :
Construction des unités pour les lancements de fusées porteuses de charges lourdes qui permettront la mise en orbite des cargaisons massives incluant celles destinées aux missions lunaires.

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Répartition des budgets de construction source : Roscosmos

La construction du cosmodrome a été marquée par les scandales à répétition dévoilant des détournements de fonds fédéraux et des grèves de la faim d’ouvriers non payés. Lors de sa visite à Vostochny le 2 septembre 2014, Vladimir Poutine a réagi violemment au retard dans la construction, aux malfaçons et à la corruption. Il a nommé Dimitri Rogozine directement responsable du bon achèvement du cosmodrome, responsabilité qui incombait jusque-là à Roscosmos et à son ancien directeur, Oleg Ostapenko. Aujourd’hui, les travaux avancent à des vitesses différentes selon les chantiers, le premier vol d’un lanceur étant programmé pour le 25 décembre 2015. Il s’agira d’une fusée Soyouz-2 transportant les satellites SamSat-218 et Aist-2 de l’université de Samara ainsi que le satellite Lomonosov de l’Université d’Etat de Moscou. Ces derniers devront être livrés au cosmodrome de Vostochny durant l’été 2015. Il est également question de lancer un satellite étudiant de l’Université de Bauman, avec une participation de l’université de Montpellier.

Le gouvernement russe a organisé pour l’été 2015 la deuxième phase des travaux étudiants avec la venue d’un millier d’étudiants pour aider à la construction du site de Vostochny. Ces jeunes issus de 39 régions différentes sont déployés sur le site en tant que simples ouvriers.

Capacité de lancement :

Les fusées :
Plusieurs options ont été envisagées quant aux différents lanceurs de Vostochny. Le principal étant le lanceur Soyouz qui demeure la fusée la plus fiable du marché et pour l’instant demeure aujourd’hui l’unique moyen d’envoyer des hommes dans l’espace. Le premier pas de tir Soyouz-2 (il devrait y en avoir 2) devrait être prêt pour la fin de l’année 2015.
La gamme de lanceur Angara sera également exploitée sur le site. Le dernier né du constructeur Krounitchev doit remplacer le lanceur Proton, jugé trop polluant et marquant des signes de faiblesse ces dernières années. La gamme couvre tous les types de lancement : depuis les 149 tonnes d’emport de la petite Angara 1.1 aux 773 tonnes de la grande Angara A5, tous les types de satellites trouveront leur place à bord de ces lanceurs. Deux pas de tir lui sont prévus, pouvant chacun accueillir les différentes versions de la fusée. Cette fusée sera également lancée depuis le site Bayterek sur le cosmodrome de Baikonour.

A également été évoquée la possibilité de développer des lanceurs réutilisables ou partiellement réutilisables, à l’instar des Falcons de SpaceX.

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Caractéristiques de Angara source : Khrunichev

Les trajectoires :
Le cosmodrome de Vostochny permettra d’atteindre tout type d’orbite pour toute taille d’emport, des satellites commerciaux aux vols habités. La trace écologique laissée par les lanceurs est au coeur des préoccupations de la localité, même si une étude complète a déjà été réalisée pour étudier la minimisation de l’empreinte écologique du cosmodrome.

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Zones de chute des différents étages des lanceurs Source : vostokdrom

Sources :

Rédactrice : Louise Fleischer