Nations unies - Intervention de Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, au Conseil de sécurité des Nations unies (23 janvier 2024)

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Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,

J’ai pris l’initiative de tenir ce débat du Conseil de sécurité au niveau ministériel, sous notre présidence.

Je remercie le Secrétaire général de son discours fort et souhaiterais, à titre national, revenir également sur la situation tragique à Gaza, sur le risque d’embrasement dans la région, car ce risque est réel.

Face à ce qui se joue entre Israéliens et Palestiniens, deux chemins sont possibles pour ce Conseil.

Il y a d’une part ceux qui font le choix de la division, de la polémique, de la surenchère. Le choix de souffler sur les braises. Le choix de ceux qui envahissent leur voisin, bafouent sa souveraineté, en Ukraine comme au Moyen-Orient, et cherchent ici la division plutôt que l’unité.

Je ferai pour ma part un autre choix, en disant deux choses : nous pouvons, nous devons, être solidaires à la fois des Israéliens et des Palestiniens. Nous pouvons, nous devons, dire à chacun les choses difficiles.
La France agit au nom du bien des peuples, au nom de la paix. Elle est amie d’Israël, comme elle est amie du peuple palestinien.

Ainsi, je dois dire à Israël, qui connaît l’amitié du peuple français, qu’il faut un Etat palestinien, que les violences envers le peuple palestinien, notamment celles des colons extrémistes, doivent cesser et que le droit international s’impose à tous.

Je dois dire aux représentants palestiniens, qui connaissent l’engagement historique de la France en faveur d’un Etat palestinien, que nous continuerons à lutter contre le terrorisme, avec fermeté et détermination, qu’il ne peut y avoir d’ambiguïté sur le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité et à exercer son droit à la légitime défense face au terrorisme.
C’est en amie que la France dit aux deux parties que le chemin sera difficile pour tous.

Trois principes guideront l’action de la France au sein de ce Conseil dans les jours et les semaines qui viennent. Je veux les énoncer ici.
D’abord, le principe d’humanité.

Tous les otages doivent être libérés, immédiatement et sans condition. C’est un besoin impérieux. Nous n’avons cessé de le demander. Ce Conseil aussi l’a demandé de manière très claire.

Au nom de ce principe d’humanité, nous devons condamner, sans équivoque et sans tarder davantage, les attaques terroristes du 7 octobre : des attaques massives, barbares, abominables, des attaques commises par des terroristes. Notre Conseil doit aussi ouvrir les yeux sur les violences sexuelles que ces terroristes ont utilisées comme armes de guerre.

Au nom de ce principe d’humanité encore, nous devons agir en faveur de la population civile de Gaza et œuvrer à un cessez-le-feu.
Les souffrances qu’elle subit sont épouvantables. La France fait partie de ceux qui, au sein de ce Conseil, agissent. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a pris l’initiative d’une conférence internationale humanitaire. Un milliard d’euros d’aide humanitaire aux civils de Gaza y ont été annoncés. Je passe à nouveau un appel aujourd’hui à l’ensemble des partenaires internationaux : restons mobilisés.

La France est désormais l’un des principaux soutiens des civils de Gaza, notamment parce que nous avons augmenté massivement notre contribution française à l’UNRWA. Sur les 100 millions d’aide humanitaire annoncés pour Gaza par la France en novembre, plus de la moitié passera par cette agence, Monsieur le Secrétaire général. En 2024, nous appuierons encore davantage les Palestiniens, en mobilisant 100 millions d’euros supplémentaires.

Nos actions sont également concrètes, dans la région : 1 000 tonnes de fret transitant par l’Égypte, avec 1 000 actes médicaux pratiqués, en pleine coopération avec l’Égypte à bord du Dixmude, et du fret humanitaire parachuté sur Gaza avec l’aide de la Jordanie notamment.
Ce Conseil, dans ses deux résolutions humanitaires, a posé des exigences. Elles doivent être respectées.

Entendons les souffrances des femmes, des hommes et des enfants de Gaza. Entendons le sentiment d’impuissance des acteurs humanitaires. Les civils, les infrastructures civiles, les hôpitaux, les écoles doivent être protégés.

Les travailleurs humanitaires, de l’ONU, du CICR et autres organisations de terrain, doivent, eux aussi, être protégés. Je veux saluer leur courage, leur engagement, leur dévouement. Je veux leur dire que la France continuera à les soutenir, sans relâche ni renoncement. Je veux leur dire également qu’ils doivent pouvoir emprunter tous les points de passage nécessaires et acheminer les cargaisons vitales jusqu’au Nord de la bande, au-delà de Wadi Gaza. Il nous faut œuvrer immédiatement à un cessez-le-feu durable, qui seul mettra fin à ces souffrances.

Mesdames et Messieurs,
Le deuxième principe qui guide l’action de la France, est celui de justice.
Cette guerre et ces atroces souffrances nous obligent et obligent ce Conseil. Nous avons le devoir de déployer tous les efforts possibles en vue d’une solution politique au conflit israélo-palestinien.

Pour y parvenir, il faut une relance du processus de paix. Et cette relance doit être décisive et crédible. Nous connaissons les paramètres de la solution : deux Etats vivant côte à côte en paix et en sécurité, dans des frontières sûres et reconnues sur la base des lignes de 1967, et ayant l’un et l’autre pour capitale Jérusalem. C’est le cadre fixé par le droit international. C’est aussi la position, constante, de la France. Et c’est la raison pour laquelle il ne revient pas, ni à Israël, ni à quiconque, de décider, pour les Palestiniens, comment ils seront demain gouvernés, ni l’étendue de leur souveraineté.

Dans le cadre de cette résolution à deux Etats, il faut aussi penser, dès à présent, au futur de Gaza. Comme je le disais, il ne revient pas à Israël de décider du sort des populations palestiniennes de Gaza. Gaza est une terre palestinienne. Et il revient à l’Autorité palestinienne, que nous soutenons, de pouvoir y exercer sa pleine autorité.

Pour que cela devienne une réalité, les Nations unies ont et auront un rôle important à jouer. À cet égard, je veux également, Monsieur le Secrétaire général, féliciter Sigrid Kaag pour sa nomination comme coordinatrice pour l’action humanitaire et la reconstruction de Gaza.

Toute la communauté internationale devra se mobiliser pour reconstruire Gaza.

La situation en Cisjordanie requiert toute notre attention. Les violences perpétrées par des colons violents contre la population civile palestinienne sont aujourd’hui inacceptables. À nouveau, nous les condamnons, avec la plus grande fermeté. Elles doivent cesser immédiatement.

Avec ses partenaires, la France prendra le moment venu des initiatives pour que ce Conseil se saisisse de l’ensemble de ces questions politiques.
Enfin, le troisième principe de notre action sera le principe de responsabilité face aux risques d’escalade.

Nous devons tout faire pour éviter un embrasement de la région et une extension du conflit. Certains sont tentés d’utiliser les groupes qui leur sont inféodés pour ajouter au chaos et porter atteinte à la stabilité de la région. Nous leur adressons un avertissement.

Nous sommes notamment gravement préoccupés par la montée des tensions autour de la ligne bleue. Nous appelons les parties à une stricte retenue et à tout mettre en œuvre pour mettre un terme définitif à l’escalade. Il faut permettre à la FINUL d’exercer son mandat dans de bonnes conditions.

Nous sommes également préoccupés par les attaques commises par les Houthis en Mer Rouge. Ce sont des atteintes extrêmement graves au droit et au commerce international. La France continuera d’assumer ses responsabilités. Nous condamnons de la même manière les violations de la souveraineté de l’Irak.

Mesdames et Messieurs,
La France restera à l’œuvre et à l’initiative pour que notre Conseil s’exprime sur tous les volets de la crise, pour qu’il condamne enfin les attaques barbares du 7 octobre, pour que le droit international humanitaire soit respecté et réponde aux besoins des populations civiles de Gaza. Pour faire avancer, enfin, de manière décisive, la solution à deux Etats, vous pouvez compter sur notre engagement.

Je vous remercie.