Axes de lutte contre la prolifération nucléaire

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Premier axe : la réponse aux crises de prolifération

La prochaine Conférence d’examen du TNP se tient dans un contexte marqué par plusieurs crises graves liées à la prolifération nucléaire. Ces crises, intervenues alors même que la totalité des armes nucléaires à l’échelle mondiale avait été réduite de plus d’un quart depuis la fin de la guerre froide, ont fait l’objet d’une réaction ferme de la communauté internationale, avec l’adoption de plusieurs résolutions du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA et du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les violations par certains États de leurs obligations au titre du TNP ont ébranlé la confiance de la communauté internationale dans le régime international de non-prolifération. Elles sont également susceptibles de nuire au développement de la coopération internationale dans le domaine des usages pacifiques de l’énergie nucléaire, au détriment de tous les autres États qui sont respectueux de leurs obligations.

Pour préserver l’architecture internationale de sécurité, les Etats parties au TNP doivent adopter une réponse ferme et déterminée à toutes les crises de prolifération. Une vigilance particulière doit être apportée à la Corée du Nord parce qu’elle se rapproche dangereusement de la possession d’un arsenal nucléaire opérationnel.

Le programme nucléaire iranien

La crise nucléaire iranienne, qui a commencé en 2002 avec la découverte du développement par l’Iran d’un programme nucléaire clandestin, est emblématique à cet égard. Téhéran a en effet poursuivi pendant plus de dix ans des activités nucléaires sensibles, en particulier dans le domaine de l’enrichissement de l’uranium et de l’eau lourde, sans usage civil crédible et en violation de six résolutions du Conseil de sécurité.

Face à cette crise, la France, avec ses partenaires, a toujours poursuivi un objectif clair : garantir la finalité exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien, avec une méthode adaptée, alliant ouverture au dialogue et fermeté. Cette double approche, qui s’est notamment traduite par un renforcement des sanctions internationales à partir de 2010 et des négociations en format UE/E3+3 (Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, Russie, Chine) à partir de 2013, a permis d’aboutir à l’adoption de l’accord de Vienne le 14 juillet 2015.

Le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action) est un accord de non-prolifération visant à un encadrement strict du programme nucléaire iranien, afin de diminuer le risque de voir l’Iran développer une arme nucléaire. Il a porté ses fruits pendant ses premières années de mise en œuvre.

Les Etats-Unis se sont retirés de l’accord le 8 mai 2018. Depuis 2019, l’Iran a accumulé les violations de ses engagements nucléaires au titre du JCPoA. Des négociations en vue du retour des Etats-Unis au JCPoA et de l’Iran à sa pleine mise en œuvre ont eu lieu en 2021-2022 mais n’ont pu aboutir du fait du refus par l’Iran du texte final soumis par le Coordinateur du JCPoA en août 2022.

L’Iran continue de porter son programme nucléaire à des niveaux sans précédent, en conduisant des activités sans aucune justification civile crédible à l’exemple de l’enrichissement de l’uranium à 60%. L’escalade nucléaire de l’Iran fragilise l’architecture mondiale de non-prolifération.

L’AIEA a ouvert il y a cinq ans des enquêtes sur les dossiers dits en suspens en matière de garanties, portant sur la détection de matières nucléaires sur des sites non-déclarés. Le Conseil des Gouverneurs de l’AIEA a adopté quatre résolutions, dont la dernière en juin 2024, appelant l’Iran au respect de ses obligations juridiques en matière de garanties, et à la pleine coopération avec l’Agence.

En lien avec ses partenaires, la France demeure déterminée à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire et continue d’œuvrer à une solution diplomatique à cette fin. Elle salue et soutient le travail important de l’AIEA dans la vérification du programme nucléaire iranien et de l’application par l’Iran de son accord de garanties.

Les mesures de contre-prolifération : le cas de la Corée du Nord

La Corée du Nord est le seul Etat à avoir procédé à des essais nucléaires au XXIe siècle et elle poursuit ses programmes nucléaire et balistiques en toute illégalité.
La France a condamné fermement les essais nucléaires auxquels la Corée du Nord a procédé depuis 2006 ainsi que ses tirs de missiles balistiques.

La France a voté et salué l’adoption des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui renforcent les sanctions internationales à l’encontre du régime nord-coréen. Elle appelle instamment la Corée du Nord à s’abstenir de tout geste risquant d’accroître les tensions, à se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité, au respect des obligations du TNP, à procéder au démantèlement complet, vérifiable et irréversible de ses programmes nucléaire et balistique. Pyongyang doit faire toute la lumière sur ses activités nucléaires présentes et passées et rétablir l’accès des inspecteurs de l’AIEA à son territoire. Elle doit également cesser tout transfert de capacités et de biens sensibles dans les domaines nucléaire et balistique.
La menace que représentent les programmes nucléaire et balistique nord-coréen n’est en effet pas simplement régionale mais mondiale. Chaque action illégale du régime nord-coréen exige une réponse ferme et déterminée de l’ensemble des Etats pour lutter contre cette menace et préserver la norme de non-prolifération qui est une valeur en soi, ainsi que l’autorité du Conseil de sécurité.

La communauté internationale doit demeurer unie face à la crise de prolifération nord-coréenne : la pression diplomatique et économique a pour vocation d’inciter la Corée du Nord à engager des négociations sur la dénucléarisation. Les sanctions sont nécessaires pour conduire le régime à renoncer à ses programmes proliférants et préserver le second pilier du TNP. La France appelle tous les Etats à mettre en œuvre pleinement et scrupuleusement les sanctions internationales et poursuit ses efforts avec ses partenaires à l’UE pour renforcer les sanctions autonomes contre la RPDC.

A ce titre, nous déplorons l’action irresponsable de la Russie qui a exploité son droit de veto pour mettre fin au mandat du Groupe d’experts du Comité 1718 du Conseil de sécurité des Nations unies chargé de la mise en œuvre des sanctions internationales. Nous continuerons de condamner les violations flagrantes des résolutions du Conseil, y compris les transferts d’armes à la Russie, dans le cadre de la guerre d’agression contre l’Ukraine.

Dans ce contexte, la France proposera à nouveau une déclaration conjointe condamnant le programme nucléaire militaire nord-coréen, lors du deuxième Comité préparatoire du TNP (juillet-août 2024), témoignant de la mobilisation de la communauté internationale sur le dossier nord-coréen.

La clause de retrait de l’article X du TNP

L’annonce par la Corée du Nord de son intention de quitter le TNP (10 janvier 2003) a ouvert un débat sur le retrait du traité et ses conséquences, ainsi que sur l’interprétation à donner à l’article X du TNP.

La France a déjà exprimé plusieurs fois sa position sur l’interprétation de cet article. Le droit de retrait n’est ainsi pas contesté mais ne peut s’exercer à titre préventif. La décision doit par ailleurs être notifiée au moins trois mois avant le retrait auprès des Etats parties au TNP ainsi qu’au Conseil de sécurité des Nations unies. La Corée du Nord n’ayant pas respecté ces conditions, son retrait est invalide.

Il convient de noter que dans l’hypothèse où les conditions seraient respectées, l’Etat concerné resterait lié par certains engagements juridiques et politiques antérieurs, et en particulier, sa responsabilité internationale pour les violations du TNP commises avant le retrait.

Il est donc essentiel que soit traitée la question des conséquences d’un retrait. Il ne serait en effet pas acceptable qu’un État, après avoir bénéficié des dispositions et de la coopération prévues par l’article IV pour acquérir des matières, installations et technologies nucléaires, se retire ensuite du Traité et les utilise à des fins militaires.

La réflexion sur les modalités de mise en œuvre de l’article X, déjà entamée en 2004 à l’initiative de la France et de l’Union européenne, doit donc se poursuivre afin de prévenir d’éventuels abus, comme la France l’a rappelé à plusieurs reprises.

La résolution 1887 du Conseil de sécurité adoptée le 24 septembre 2009 contient plusieurs dispositions dans ce domaine et souligne en particulier le rôle du Conseil de sécurité des Nations unies pour traiter des cas de retrait du TNP.

Ces crises montrent qu’il est indispensable, pour garantir la paix et la sécurité internationale, de renforcer le régime de non-prolifération nucléaire fondé sur le TNP. Seule une réponse prompte et sans ambiguïté pour décourager ceux qui souhaiteraient développer des activités nucléaires à des fins autres que pacifiques est en mesure de garantir la crédibilité de ce régime et convaincre l’ensemble des pays d’en respecter les règles. Elle permet également de donner des gages sur l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et d’encourager au développement de la coopération internationale prévue à l’article IV du TNP.

Deuxième axe : renforcer le régime international de non-prolifération nucléaire

La France considère qu’il est indispensable de soutenir et renforcer le régime international de non-prolifération nucléaire, sur plusieurs axes.

Dean Calma/IAEA

Le soutien au système des garanties de l’AIEA

La France est attachée au rôle central du système de garanties de l’AIEA, pilier du régime de non-prolifération nucléaire. Elle appuie les efforts de l’Agence, pour faire en sorte que son système de garanties demeure pleinement efficace et crédible, notamment par l’universalisation et le renforcement de ce système.

Ces garanties visent à prévenir la prolifération des armes nucléaires en détectant en amont les détournements à des fins militaires de la technologie nucléaire. Leur acceptation par les Etats non-dotées est inscrite à l’article III du TNP.

Il existe trois types d’accords de garanties avec l’AIEA :

  • Les accords de garanties généralisées, par lesquels un Etat s’engage à accepter que l’AIEA applique des garanties à toutes les matières nucléaires utilisées dans toutes les activités pacifiques exercées sur son territoire, et de l’absence de leur détournement à l’élaboration d’armes nucléaires de dispositifs nucléaires explosifs ;
  • Les offres de soumission volontaire aux contrôles, conclus par les cinq Etats dotés, qui autorise l’AIEA à appliquer des garanties aux matières nucléaires sur certaines installations ;
  • Les accords de garanties relatifs à des éléments particuliers, qui permettent à l’AIEA d’appliquer ses garanties aux matières nucléaires et installations précisées dans l’accord. Ceux-ci ne concernent actuellement que les trois Etats non-parties au TNP (Israël, l’Inde et le Pakistan) ;
  • En outre, un protocole additionnel, pour chacun des trois types d’accords, donne à l’AIEA un accès plus important à l’information et aux sites nucléaires d’un Etat, avec un court préavis, afin d’exercer un meilleur contrôle sur l’utilisation pacifique des matières nucléaires et de s’assurer de l’absence d’activité ou de matières nucléaires non déclarées.

Le renforcement des garanties de l’AIEA se fait au bénéfice de tous : la crédibilité et l’efficacité du système des garanties de l’AIEA sont des éléments déterminants permettant le développement responsable du nucléaire civil. Leur non-respect menace la confiance mutuelle et nuit aux coopérations en faveur des usages pacifiques de l’énergie nucléaire.

Au sein du système de garanties, l’application d’un protocole additionnel, conjuguée à la mise en œuvre d’un accord de garanties généralisées, est essentielle à l’obtention d’assurances complètes de respect des engagements de non-prolifération. C’est donc un pilier essentiel du régime de non-prolifération nucléaire.
La communauté internationale s’est mobilisée pour assurer la promotion des accords de garanties et des protocoles additionnels. La France ne ménage pas ses efforts pour soutenir ces actions et y contribue activement par son action diplomatique.

En décembre 2023 :
  • 181 Etats ont des Accords de garanties généralisées en vigueur
  • 136 États ont un protocole additionnel en vigueur
  • 3 Etats non parties au TNP ont signé et ratifié des accords de garanties spécifiques avec l’AIEA
  • Les 5 Etats dotés de l’arme nucléaire ont signé et ratifié des accords de soumission volontaire aux contrôles

La France et les garanties de l’AIEA

Le soutien aux garanties est un élément important de la politique de la France envers l’AIEA. L’expertise et l’aide techniques que la France apporte dans le domaine de la vérification confortent les actions de l’Agence. Il se concrétise en particulier au travers du Programme Français de Soutien aux Garanties de l’AIEA (PFSG) officiellement créé en 1982.

La France veille à ce que l’AIEA dispose, pour que sa mission de vérification soit crédible, de moyens humains, financiers et techniques en adéquation avec le mandat que la communauté internationale lui a confié. Elle reste en outre attentive à un financement adéquat des autres priorités de l’Agence, et tout particulièrement des activités de promotion et de coopération technique.

Pour contribuer au renforcement des garanties de l’AIEA, la France a fait une offre volontaire de soumission aux garanties de l’AIEA de certaines matières nucléaires, dans le cadre d’un accord trilatéral France–Euratom-AIEA entré en vigueur le 12 septembre 1981. L’AIEA exerce un contrôle de finalité dont l’objectif est de vérifier que les matières nucléaires qui lui sont soumises ne sont pas retirées des activités civiles. La Communauté européenne est partie à cet accord. Elle assure la transmission de toutes les informations destinées à l’Agence en ce qui concerne ces matières nucléaires.

Par ailleurs, la France a signé, le 22 septembre 1998, un Protocole additionnel à son accord de garanties. Ce protocole est entré en vigueur, en même temps que ceux des autres pays membres de l’Union européenne, le 30 avril 2004. Le Protocole additionnel français contribue à renforcer la capacité de l’Agence à détecter des matières et activités non déclarées dans les États non dotés. La France s’est donc engagée à déclarer à l’Agence les coopérations qu’elle mène avec des États non dotés d’armes nucléaires, et à lui permettre, en tant que de besoin, d’en vérifier la réalité dans les installations nucléaires concernées.

Enfin, la France, comme ses partenaires de l’Union européenne, fait l’objet de contrôles internationaux sur les matières nucléaires civiles. Ces contrôles sont menés par deux organismes internationaux : l’AIEA et la Commission européenne (dans le cadre de la mise en œuvre du chapitre VII du Traité Euratom). L’ensemble des installations nucléaires civiles en France sont inspectées, et ont ainsi donné lieu à 334 inspections en 2019 (315 inspections par Euratom et 19 inspections par l’AIEA).
La France appuie les efforts de l’AIEA pour que son système de garanties demeure pleinement efficace et crédible. Nous supportons à cet égard les efforts d’universalisation du protocole additionnel, ainsi que l’évolution du système vers un concept de mise en œuvre des garanties plus spécifiques aux Etats (« State-level concept ») et fondées sur toutes les informations pertinentes disponibles.
Nous soutenons également, y compris par une participation financière spécifique, la rénovation et l’extension des laboratoires de l’AIEA, permettant d’analyser plus de 600 échantillons de matières nucléaires provenant des différentes inspections.

Le soutien aux régimes internationaux de fournisseurs

Le contrôle des exportations est un outil à la disposition de la communauté internationale pour lutter contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. La France apporte son soutien et participe activement aux différents régimes internationaux de contrôle des exportations (NSG, comité Zangger, MTCR groupe Australie, Arrangement de Wassenaar). La France s’attache dans ce cadre à contrôler de façon stricte les transferts de biens et technologies sensibles à double usage, c’est-à-dire susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire. À ce titre, l’exportation des biens et technologies n’est pas interdite a priori mais fait l’objet d’un contrôle, généralement sous la forme d’une obligation de licence. Le contrôle des exportations est ainsi essentiel au développement du commerce de ces biens et technologies car il crée de la confiance en donnant aux fournisseurs des assurances sur l’usage pacifique de leurs exportations.

Au niveau européen, le règlement n°428/2009 intègre les recommandations des différents régimes de contrôle, qui sont ensuite directement applicables dans le droit national de chacun des États membres. Grâce à la clause « attrape-tout », il est désormais possible de contrôler l’exportation d’articles ne figurant pas sur une liste de contrôle, lorsque ceux-ci peuvent avoir un lien avec la fabrication d’armes de destruction massive ou être destinés à un pays soumis à embargo.

Les groupes de fournisseurs nucléaires

Le Comité Zangger a été constitué à la suite de l’entrée en vigueur du TNP, afin d’assurer la mise en œuvre de la clause de non-transfert de matières ou d’équipements à finalité nucléaire non soumis aux garanties de l’AIEA prévues dans le Traité (Article III paragraphe 2 du TNP). Ses membres ont défini en 1972 des règles communes (Understandings) pour l’exportation des biens visés par cet article.

Le Groupe des fournisseurs nucléaires (NSG) né après l’essai nucléaire indien de 1974, compte aujourd’hui 48 membres. Le NSG a élaboré des Directives (guidelines) sur les exportations nucléaires qui sont complétées par des listes de contrôle (portant sur les biens nucléaires et biens à double-usage). Cet ensemble de règles est appliqué par les États-membres au niveau national et trouvent une traduction concrète dans leurs systèmes respectifs de contrôle des exportations.

Tout bien nucléaire et à double usage est soumis au contrôle du NSG, ainsi les bras télémanipulateurs permettant de réaliser les opérations à distance dans des caissons blindés. Crédit = Philippe Stroppa / CEA

D’une manière générale, les réunions du NSG sont l’occasion d’évoquer les problèmes posés par la mise en œuvre des Directives, et la mise à jour des listes de biens nucléaires et à double usage. Les membres s’échangent également des informations en rapport avec les objectifs du groupe. Des notifications sont également échangées sur les refus opposés aux entreprises par les États membres.
La France contribue activement dans ce cadre aux efforts internationaux de lutte contre la prolifération, notamment pour assurer le maintien à jour des listes de contrôle du NSG et encourage les efforts de transparence du régime.

La France veille par ailleurs à ce que la réalisation des objectifs de non-prolifération du NSG n’empêche pas le développement des coopérations légitimes en matière d’usages pacifiques de l’énergie nucléaire. La France est engagée à titre bilatéral dans un grand nombre de coopérations nucléaires civiles et intervient en tant que prestataire de services ou exploitant sur tout le cycle du nucléaire civil. Ces partenariats, y compris avec des Etats non membres de régimes de contrôle export, témoignent de notre engagement en faveur de l’accès aux usages pacifiques du nucléaire.

Le Régime de contrôle de la technologie des missiles

Dans le cadre de son action pour maîtriser la prolifération des missiles, la France participe activement à la mise en œuvre du Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR), qu’elle a contribué à créer au sein du G7, et dont elle assure le secrétariat permanent ("point de contact" depuis 1990. Le MTCR, qui compte actuellement 35 membres, repose sur l’adhésion à des directives communes relatives aux politiques nationales d’exportation, qui s’appliquent à une liste d’équipements, de logiciels et de technologies (« annexe technique ») visant à limiter la prolifération des vecteurs d’armes de destruction massive. La France a participé à l’élaboration et à l’évolution de l’annexe technique du MTCR, entrée en vigueur le 7 avril 1987, qui établit la liste des biens dont les transferts doivent être contrôlés par les États. Elle participe régulièrement aux réunions d’experts visant à faire évoluer ce texte pour assurer que les contrôles d’exportations prennent en compte les dernières évolutions technologiques dans le domaine des vecteurs d’armes de destruction massive.

Le MTCR compte actuellement 35 États membres :

Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, République de Corée, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Inde, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Suède, Suisse, République tchèque, Turquie, Ukraine.

Continuant de faire du contrôle efficace des exportations une priorité, les pays membres ont décidé en 2003 d’inclure une clause "attrape-tout" dans les directives du Régime, qui permet de contrôler l’exportation d’articles non listés susceptibles de contribuer à des systèmes de lancement d’armes de destruction massive. La France a par ailleurs soutenu les efforts d’adaptation du MTCR aux nouvelles menaces, en particulier la menace terroriste.

Pour en savoir plus

Le soutien et l’assistance au renforcement du régime de non-prolifération

La France participe activement aux initiatives en cours visant à renforcer concrètement le régime de non-prolifération, pour répondre aux défis qui menacent l’avenir du TNP. Elle s’engage, en particulier, en faveur de la création de mécanismes multilatéraux concernant les régimes de vérification, ainsi que dans le domaine du cycle du combustible nucléaire. Elle fournit également une assistance, en tant que de besoin, au désarmement et à la non-prolifération, et apporte notamment son soutien aux zones exemptes d’armes nucléaires.

Le soutien au système de surveillance international du TICE

La France promeut l’achèvement du régime de vérification mis en place par l’OTICE (International monitoring system) par la construction et la mise en service de stations de surveillance et la participation aux exercices et aux formations des inspections sur place. En cohérence avec son appui politique au traité, la France a pleinement mis en œuvre ses engagements pour le déploiement anticipé du système de surveillance international (SSI) en construisant et en certifiant les 16 stations de sa responsabilité au titre du traité, et en assurant la transmission continue de toutes les données issues de ces stations. Aujourd’hui, 90% du réseau de surveillance prévu par le traité est désormais certifié. Ce réseau, d’une très grande sensibilité (en dessous de l’énergie de 1000 tonnes équivalent TNT comme cela est prévu au Traité), a été capable de détecter les essais nord-coréens.

Le soutien aux mécanismes multilatéraux pour le cycle du combustible nucléaire
Les technologies du cycle du combustible (notamment enrichissement et retraitement) sont particulièrement sensibles, car elles sont susceptibles d’un usage tant militaire que civil. Il est donc nécessaire d’exercer une vigilance particulière pour leurs exportations et, en parallèle, de mettre en place des mécanismes multilatéraux dans ce domaine.

À l’occasion de sa présidence de l’Union européenne, la France s’est engagée, conjointement avec ses partenaires européens, en faveur d’une participation financière (jusqu’à 25 millions d’euros) et technique de l’Union européenne à la constitution d’une banque d’uranium faiblement enrichi sous l’égide de l’AIEA. Cette banque, inaugurée le 24 août 2017 au Kazakhstan, doit permettre de favoriser le développement de programmes électronucléaires économiquement viables et de prévenir la dissémination de certaines technologies sensibles du cycle du combustible, comme l’enrichissement. La constitution de cette banque d’uranium faiblement enrichi est complémentaire d’autres solutions pragmatiques et concrètes que la France soutient.

Par ailleurs, la France s’est engagée, dans le cadre du NSG, en faveur de l’adoption de critères plus stricts pour l’exportation des technologies du cycle du combustible nucléaire. Dès le début des années 2000, la France a promu l’adoption d’une approche par critères (en particulier respect des engagements internationaux en matière de non-prolifération) permettant d’autoriser les exportations des technologies de l’enrichissement et du retraitement en les encadrant. En juin 2011, les États participants au NSG sont parvenus à s’entendre sur la modification des Directives à cette fin, permettant d’encadrer strictement le transfert des biens et technologies liés à l’enrichissement et au retraitement et contribuant au renforcement du régime de non-prolifération.

Lutter contre la prolifération de vecteurs d’armes de destruction massive

La France, avec 34 autres pays, est membre du MTCR (Missile Control Technology Regime), régime de contrôle des exportations pouvant contribuer à la prolifération des vecteurs aériens d’armes de destruction massive sans pilote embarqué.
La France a également souscrit au Code de conduite de la Haye de lutte contre la prolifération des missiles balistiques (HCoC), qui instaure des mesures de confiance et de transparence en matière de missiles balistiques capables d’emporter des armes de destruction massive (pré-notifications de tirs, déclarations annuelles, visites de sites sur une base volontaire).

La France contribue, en application du règlement 428/2009 de l’UE, à lutter contre la prolifération des vecteurs d’ADM, en contrôlant ses exportations de biens et de technologies pouvant contribuer à la prolifération de ces systèmes.

Soutien aux zones exemptes d’armes nucléaires et octroi de garanties de sécurité

La France apporte son soutien à la constitution de zones exemptes d’armes nucléaires. Les Zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) résultent de traités internationaux conclus entre les États d’une région considérée. Il s’agit de zones composées, d’une part, d’États ayant renoncé à détenir des armes nucléaires et à en autoriser le stationnement sur leur territoire et, d’autre part - le cas échéant -, de portions du territoire d’États extérieurs à la zone, le plus souvent dotés d’armes nucléaires (EDAN), sur lesquelles ces derniers ont également renoncé à déployer des armes nucléaires.

La France est partie à la quasi-totalité des protocoles annexes à des traités sur les zones exemptes d’armes nucléaires. Outre le Traité de l’Antarctique de 1959 (démilitarisation totale), la France est partie aux protocoles annexés au Traité de Tlatelolco (ratifiés en 1974 et 1992), au Traité de Rarotonga (ratifié en 1996), au Traité de Pelindaba (ratifié en 1996) et au Traité de Semipalatinsk (rejoint en 2014). La France a également reconnu le statut de zone exempte de la Mongolie en 2012.
Les garanties négatives de sécurité consistent en un engagement des États dotés d’armes nucléaires à ne pas recourir ou menacer de recourir aux armes nucléaires à l’encontre des États non dotés d’armes nucléaires. Les garanties positives consolident les garanties négatives en engageant les États à prendre des mesures (de l’ordre de la sécurité collective ou de l’assistance) en cas de violation de ces dernières.

La France a pris des engagements forts dans ce domaine, que ce soit de manière unilatérale ou dans un cadre régional. Plus de cent États bénéficient de la part de la France d’assurances négatives de sécurité accordées par les protocoles annexés aux traités créant des zones exemptes d’armes nucléaires.

Elle a, dans ce cadre, réitéré pour près d’une centaine d’États les assurances de sécurité qu’elle a données à titre unilatéral. Ainsi, le 17 octobre 2014, le président de la République a ratifié le protocole au Traité de Semipalatinsk (relatif à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires en Asie centrale), signé à New York le 6 mai 2014 par la France et les quatre autres États dotés de l’arme nucléaire en marge du troisième Comité préparatoire du cycle d’examen du TNP. La France demeure également pleinement engagée en vue de signer dès que possible le protocole au Traité de Bangkok, dans le prolongement des consultations récemment menées entre États dotés d’armes nucléaires et membres de l’Association des États du Sud-est (ASEAN).

La France soutient le projet de création d’une zone exempte d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs au Moyen-Orient, fondé sur la résolution 687 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies et sur la résolution sur le Moyen-Orient adoptée par la Conférence d’examen du TNP de 1995.

Enfin, la France considère que l’octroi d’assurances négatives de sécurité dans un cadre régional constitue une des voies importantes du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, en plein accord avec l’article VII du TNP, grâce à la création de zones exemptes d’armes nucléaires.

Par ces protocoles, la France a renouvelé les engagements pris par ailleurs à l’égard de l’ensemble des États non dotés d’armes nucléaires parties au TNP, réaffirmés lors du discours d’Istres le 19 février 2015 : « la France n’utilisera pas d’armes nucléaires contre les Etats non dotés de l’arme nucléaire, qui sont parties au Traité de non-prolifération et qui respectent leurs obligations internationales de non-prolifération des armes de destruction massive ». Ainsi la création de zones exemptes d’armes nucléaires, associée aux garanties négatives de sécurité, constitue un volet régional essentiel de la non-prolifération et contribue à la sécurité de chacun, conformément à l’article VII du TNP.

Troisième axe : prévenir et entraver les trafics proliférants

Patrouille en mer des Caraïbes
© D’Arcangues Jean-François

Le régime de non-prolifération est essentiel, et il convient de le conforter, mais beaucoup réside dans la volonté des États de le mettre en œuvre, d’en sanctionner les violations et de faire cesser la prolifération. Ainsi, la France :

  • adapte son cadre législatif afin de rendre réellement contraignantes les mesures déterminées dans le régime de non-prolifération
  • participe aux différentes initiatives informelles qui permettent d’entraver de manière concrète les flux proliférants
  • soutient les initiatives et la stratégie développée par l’Union européenne pour lutter contre la prolifération.

Renforcement du dispositif législatif et réglementaire de la France

Au niveau interne, en plus des contrôles stricts aux exportations, la France a renforcé son dispositif juridique national de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM) et de leurs vecteurs par l’adoption de la loi du 14 mars 2011. Cette loi renforce le spectre des infractions (incrimine le fait de provoquer, d’encourager, ou d’inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à commettre des actes associés à des activités proliférantes) et introduit dans le Code des douanes des dispositions relatives aux biens à double usage.

La France a également renforcé son dispositif juridique via la ratification en mai 2018 de la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Convention on the Suppression of Unlawful Acts at Sea, 2005). La convention SUA transpose en droit international de nouvelles infractions pertinentes pour la lutte contre la prolifération, notamment les transports d’« explosifs ou de matières radioactives […], de toute arme nucléaire, bactériologique ou chimique, […] de matières brutes ou produits fissiles » lorsque ces derniers interviennent dans un cadre contraire au TNP. La convention SUA renforce le cadre permettant arraisonnement et l’inspection en haute mer de navires suspectés de transports de biens proliférants.

Le soutien et la participation aux initiatives internationales informelles

**Les coopérations techniques et policières de lutte contre la prolifération

La France participe et soutient plusieurs initiatives de lutte contre la prolifération, notamment l’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI), l’initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire (GICNT) et le partenariat mondial du G7 contre la prolifération des armes de destruction massive (PMG7).

L’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) est une enceinte informelle de coopération rassemblant 113 pays et qui vise à renforcer la coopération internationale afin d’entraver les transports illicites d’armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes. Elle vise à renforcer la coopération opérationnelle entre les États participants et repose sur l’organisation régulière d’exercices pratiques en vue de renforcer les capacités des Etats participants en matière d’interception de cargaisons proliférantes. Son fonctionnement est flexible puisqu’il suffit de souscrire à la déclaration de principes de 2003 pour y participer. La France met en œuvre la PSI via le Plan gouvernemental Interception Prolifération (PIP) qui établit le cadre d’intervention national permettant de répondre aux trafics de biens ou de technologies liés à la prolifération d’armes de destruction massive.

Pour en savoir plus sur la PSI (en anglais)

L’Initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire (GICNT), lancée en 2006, encadre la coopération technique entre 89 Etats participants et 5 institutions observatrices (UE, AIEA, Interpol, UNODC, UNICRI) afin de prévenir, détecter et répondre au terrorisme nucléaire. Dans ce cadre, des activités multilatérales sont réalisées afin de renforcer les différentes procédures, plans et politiques publiques des Etats participants. Tous les participants s’engagent à mettre en œuvre la déclaration des principes du GICNT, qui détermine un ensemble d’objectifs de sécurité.

Pour en savoir plus

Le partenariat mondial du G7 (PMG7) contre la prolifération des armes de destruction massives, lancé en 2002, finance et coordonne des projets pour sécuriser les matières essentielles à la conception d’ADM. Ce partenariat mondial est régi selon les principes de Kananaskis de 2002 et les principes développés lors du Sommet de Muskoka en 2010. L’initiative a originellement été lancée pour assister les pays de l’ex-URSS à démanteler et détruire les arsenaux non-conventionnels, ainsi que sécuriser les matières fissiles et réaffecter les chercheurs dédiés aux programmes nucléaires militaires. Elle a été étendue à 31 pays et à l’ensemble de l’Union européenne. Sa mission consiste principalement à contribuer à la mise en œuvre de la résolution 1540 du Conseil de Sécurité, pour lutter l’acquisition d’ADM par des acteurs non-étatiques, et prolongée lors du sommet de Deauville en 2011.

Pour en savoir plus

Enfin, la France mène un dialogue régulier avec ses différents partenaires afin de les sensibiliser aux enjeux de la non-prolifération et du désarmement nucléaires, et les encourager à renforcer leurs dispositifs nationaux de contrôle et de lutte contre la prolifération.

**La coopération et la lutte commune contre le financement de la prolifération

Le financement est l’un des ressorts indispensables de toute entreprise de prolifération. L’indispensable acquisition de matières et biens rares et à haute valeur ajoutée technologique, par l’intermédiaire de filières d’acquisition détournées, rend ces programmes très onéreux.

La loi du 14 mars 2011 érige également en infraction le financement de la prolifération, ce qui fait de la France l’un des premiers Etats à posséder une telle législation. Elle prohibe le « fait de procurer un financement participant d’une logique proliférante, en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin » (articles L. 1333-13-5 du Code de la défense pour les matières nucléaires, article L. 2341-2 pour les agents biologiques et articles L. 2342-3 et L. 2342-60 pour les armes chimiques). En soutien à cette démarche législative, la France a conduit une analyse nationale des risques de financement de la prolifération, permettant d’évaluer les secteurs les plus exposés et servir de base de sensibilisation du secteur privé.

Les résolutions du Conseil de sécurité relatives au financement de la prolifération ciblent notamment le financement de cette activité. En particulier, la Résolution 1540 (2004) impose aux Etats d’interdire et de réprimer tout financement d’activités permettant à des acteurs non-étatiques de fabriquer, se procurer, mettre au point, posséder, transporter, transférer ou utiliser des armes NRBC ou leurs vecteurs.

**L’action du GAFI

Organisme intergouvernemental créé en 1989 sous l’impulsion du G7, le Groupe d’action financière (GAFI) est composé de 40 membres. Il s’est imposé comme l’enceinte de création et de contrôle des normes internationalement reconnues en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).

Une réflexion au niveau international s’est mise en place pour créer les outils nécessaires pour identifier et empêcher les opérations de financement liées à la prolifération, en s’inspirant notamment des mécanismes mis en place en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

Session plénière du GAFI, Février 2012. Crédits : GAFI

Ces travaux se sont déroulés au sein duGAFI (Groupe d’Action financière). La mission du GAFI est d’élaborer des normes et de promouvoir l’application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Son mandat a été étendu en 2012 à la lutte contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive.

Il en a résulté une révision des normes du GAFI pour y insérer une Recommandation 7 par laquelle les États se sont engagés à :

  • mettre en œuvre des sanctions financières ciblées contre les personnes et les entités désignées conformément aux en Résolutions du CSNU adoptées sur la base du Chapitre VII ;
  • geler sans délai les fonds et autres biens de ces personnes et entité ;
  • s’assurer qu’aucun fonds ou autre bien ne soit mis, directement ou indirectement, à leur disposition ou profit.

La mise en œuvre de cette Recommandation 7 est appuyée par une Méthodologie d’évaluation de la conformité technique aux recommandations du GAFI et de l’efficacité des systèmes LCB-FT (2013), qui détaille les mesures permettant d’appliquer pleinement les sanctions financières en matière de financement de la prolifération (regroupées sous le « résultat immédiat 11 »). Elle érige, en outre, en objectif politique de haut niveau l’instauration d’un dispositif au sein duquel les personnes et les entités désignées sont identifiées, privées de ressources, et se voient empêchées de collecter, déplacer et utiliser des fonds et autres biens pour le financement de la prolifération. Les États sont dès lors tenus de démontrer l’efficacité de leurs efforts pour mettre en œuvre les sanctions financières ciblées sans délai, contrôler leur respect et garantir une coopération satisfaisante entre les autorités concernées pour éviter le contournement des sanctions.

La France est fortement engagée pour ajuster en permanence les cadres politiques et juridiques à l’évolution de la menace et lutter efficacement contre le financement de la prolifération. Dans ce contexte, elle a soutenu l’inclusion de cette problématique dans le mandat du GAFI et participe activement aux travaux de l’enceinte en la matière.

La France a notamment contribué à l’évolution de la Recommandation 1 du GAFI - qui, jusqu’en octobre 2020, ne concernait que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme - pour exiger que le financement de la prolifération fasse systématiquement l’objet d’une analyse des risques. Les États sont ainsi invités à mener une analyse des risques de prolifération auxquels ils sont exposés, à renforcer les échanges avec le secteur privé et adopter les mesures d’atténuation adaptées.