Lutter contre la criminalité environnementale
En l’espace de quelques années, la criminalité environnementale est devenue l’une des activités criminelles les plus lucratives au monde, générant des revenus annuels estimés entre 70 et 213 milliards de dollars. Cette forme de délinquance menaçant l’environnement et la biodiversité présente aujourd’hui un faible risque pour les organisations criminelles. C’est pour cette raison que la France intensifie ses efforts en coordination avec la communauté internationale pour lutter contre ce phénomène.
La criminalité environnementale constitue une menace croissante pour l’environnement, la biodiversité et la santé publique mais également pour la sécurité internationale.
Elle contribue à entretenir des tensions au sein des sociétés et est souvent liée à d’autres formes de criminalité qu’elle alimente (par le financement d’activités criminelles ou terroristes, la corruption et le blanchiment d’argent, le meurtre).
Tous les pays du monde sont concernés par la criminalité environnementale, en tant que pays d’origine, de transit ou de destination. Pourtant, la criminalité environnementale reste encore peu incriminée dans les législations nationales.
Par ailleurs les forces de l’ordre et les magistrats sont rarement formées à ses spécificités. C’est pourquoi, des mécanismes de coopération policière, douanière ou judiciaire et d’harmonisation des législations se mettent en place afin d’identifier et de sanctionner plus efficacement les criminels environnementaux.
L’expression « criminalité environnementale » désigne l’ensemble des activités illégales qui portent atteinte à l’environnement et profitent à certains individus, groupes et /ou entreprises.
En 2021, la déclaration de Kyoto issue du 14e congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale a permis de dessiner les contours de la criminalité environnementale au niveau international en ciblant particulièrement le trafic d’espèces sauvages, de bois, de déchets et de minerais.
J-1. La France accueille les 8 et 9 avril une conférence internationale sur la criminalité environnementale 🌍
Qu’est-ce que la criminalité environnementale ? Comment la France se mobilise-t-elle sur cet enjeu ?
Réponse ici 👇— France Diplomatie 🇫🇷🇪🇺 (@francediplo) April 7, 2025
Approche française de la lutte contre la criminalité environnementale
Face à la dimension protéiforme de la menace et à la technicité du contentieux environnemental, la France entend faire valoir une approche englobante, qui tient compte :
- De la diversité des crimes qui portent atteinte à l’environnement (trafics d’espèces sauvages, de bois, de minerais et de métaux précieux, de déchets et de substances chimiques dangereuses, pollution et pêche illégale), la France étant particulièrement touchée par le trafic d’espèces sauvages, de déchets, ainsi que par l’orpaillage illégal ;
- Des liens entre ces crimes avec d’autres formes de criminalité organisée, la corruption, le blanchiment d’argent ou encore le financement du terrorisme ;
- D’une approche multi-acteurs et multidisciplinaire en associant notamment la société civile afin de mieux appréhender le phénomène tout le long de la chaîne criminelle de l’approvisionnement à la demande en passant par le transit et afin de lutter efficacement contre les réseaux criminels.
Un dispositif sécuritaire et judiciaire national étoffé
Des forces de l’ordre spécialisées
Créé en 2023, le Commandement pour l’Environnement et la Santé (CESAN) est une entité de la Gendarmerie nationale dont la mission principale est la lutte contre la criminalité environnementale, allant des incivilités les plus courantes aux infractions pénales les plus durement sanctionnées.
Le CESAN travaille en étroite collaboration avec des partenaires internationaux pour renforcer les cadres juridiques et opérationnels nécessaires à la lutte contre ces crimes, et a un rôle déterminant dans la coordination des efforts français pour protéger l’environnement et la santé publique contre les menaces criminelles.
Missions principales du CESAN
- L’appui et l’accompagnement : afin d’accompagner au mieux les unités de gendarmerie et de police judiciaire dans leurs investigations, mais aussi des élus, le CESAN fournit un appui opérationnel, juridique et technique.
- Le renseignement et l’analyse : afin de prévenir et étudier les actes malveillants des auteurs portant atteinte à l’environnement, le CESAN organise l’action de la Gendarmerie nationale en termes de surveillance et de contrôle dans le but de : a) récolter ; b) centraliser ; c) et analyser du renseignement. L’objectif final est d’identifier des phénomènes nouveaux.
- L’innovation : dans le but d’optimiser l’efficacité des enquêtes, le CESAN recommande des réformes réglementaires et introduit des innovations (technologiques, numériques). Il est également équipé d’une unité de projection dédiée à la gestion de crise.
- La coopération internationale : le CESAN pilote des projets européens, cela est permis par sa participation active auprès d’institutions et pays partenaires. Il exerce une autorité fonctionnelle sur l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) et sur les unités de gendarmerie.
Le CESAN peut s’appuyer sur plus de 4000 gendarmes formés, en charge des questions de sécurité environnementale et sanitaire, présents sur l’ensemble du territoire, en métropole comme en outre-mer.
Pour plus d’informations, consultez le site internet du CESAN.
Il exerce notamment une autorité fonctionnelle sur l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) qui est une unité de police judiciaire interministérielle créée en 2004 qui traite des trafics présentant des critères de grande complexité techniques liées : i) A l’environnement : trafics de déchets, bois et pollutions ; ii) A la santé publique : trafics de médicaments, sécurité agroalimentaire et phytosanitaire ; iii) A la maltraitance animale : trafic d’animaux (protégés ou non) et maltraitance animale ; iv) Au dopage élite : trafics de produits dopants et sport de haut niveau.
Pour plus d’informations, consultez le site internet de l’OCLASEP.
Des juridictions spécialisées
Afin de traiter plus efficacement les infractions environnementales complexes, ainsi que les affaires civiles relatives au préjudice écologique et les actions en responsabilité civile prévues par le code de l’environnement, les pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement, ou pôles régionaux environnementaux (PRE) ont été créés en 2020.
La compétence des PRE s’étend :
- aux délits prévus par le code de l’environnement ;
- aux délits prévus par le code forestier ;
- à certaines infractions du code rural et de la pêche maritime et du code minier ;
- ainsi qu’à toutes les infractions qui leur sont connexes.
Les PRE sont compétents pour connaître des affaires relatives à ces infractions qui « sont ou apparaîtraient complexes ». La complexité de l’affaire est appréciée au regard de sa technicité, de l’importance du préjudice causé ou encore du ressort géographique sur lequel l’infraction s’étend.
L’action au niveau européen
Depuis une quinzaine d’années, l’Union européenne a renforcé son action pour protéger l’environnement et lutter contre la criminalité environnementale en mettant en place des dispositions juridiques spécifiques et en se dotant d’une "plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles" (EMPACT) qui définit les priorités pour la lutte contre la grande criminalité organisée sur la période 2022-2025 et qui fait de la criminalité environnementale un axe d’effort d’importance de l’UE.
Parallèlement, sous présidence française du Conseil de l’UE en 2022, l’UE a choisi de consolider le cadre juridique visant à lutter contre cette forme de criminalité conduisant à l’adoption en mai 2024 d’une nouvelle directive sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Cette dernière élargit le nombre d’infractions couvertes par le droit de l’UE, renforce les sanctions pénales et s’assure que les autorités judiciaires et répressives disposent des meilleurs outils pour lutter contre les atteintes à l’environnement.
L’action au niveau international
Dans le cadre de ses relations bilatérales avec ses partenaires, la France s’efforce d’obtenir une meilleure prise en compte des problématiques liées à la criminalité environnementale.
Renforcer la coopération internationale pour lutter contre la criminalité environnementale
L’engagement français dans la lutte contre le trafic d’espèces se concrétise au travers des conférences des parties de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et du Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), ainsi que par l’engagement des membres du comité français de l’UICN, offrant un espace de dialogue pour les différents acteurs de la coopération internationale.
La France soutient également le Consortium international de lutte contre la criminalité des espèces sauvages (ICCWC), qui regroupe 5 organisations intergouvernementales :
- Secrétariat de la CITES ;
- Interpol ;
- Office des Nations Unies contre la drogue et le crime ;
- Banque mondiale ;
- Organisation mondiale des douanes, ainsi que plusieurs coalitions œuvrant contre le braconnage et le commerce illégal d’espèces sauvages comme le Fonds pour l’éléphant d’Afrique ou le Partenariat pour la Survie des Grands Singes (GRASP –PNUE/UNESCO).
Faire reconnaitre la criminalité environnementale comme un défi global
La France agit pour le renforcement de la coopération internationale contre la criminalité environnementale dans toutes ses dimensions. Entre 2019 et 2021, une forte mobilisation a permis de faire reconnaître, dans les différentes instances et conventions établies sous l’égide de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la criminalité environnementale comme une forme émergente et préoccupante de criminalité et un défi global pour la communauté internationale.
La France, en lien avec l’ONUDC, contribue à la connaissance et à la sensibilisation de ce phénomène criminelle en soutenant des études et analyses d’ordre global sur le sujet.
Plusieurs étapes clefs de l’action de la France au niveau international
- Une résolution portée par la France, le Maroc et le Brésil lors de la Commission des Stupéfiants en mars 2025 portant sur l’impact environnemental des drogues, encourageant les Etats membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre les incidences néfastes directes et indirectes sur l’environnement de la culture illicite de plantes dont on tire des drogues, la production et la fabrication illicites de drogues, leur transport, leur trafic, leur commercialisation, leur consommation, leur manipulation et leur élimination, en vue de préserver l’environnement, la biodiversité et la santé humaine.
- Une résolution portée par la France, en lien avec le Pérou et le Brésil, en octobre 2024, a été adoptée lors de la Conférence des Parties de la Convention de Palerme (COP UNTOC). Elle prévoit la création d’un groupe intergouvernemental d’experts à composition non limitée pour étudier l’efficacité, les lacunes du cadre international concernant la lutte contre la criminalité environnementale et proposer des recommandations pour répondre aux éventuelles lacunes identifiées.
- L’organisation, à l’initiative de la France, des premières discussions d’experts sur la criminalité environnementale dans le cadre de l’ONUDC en février 2022.
- Un plan d’action conjoint 2022 – 2026 dans le domaine de la lutte contre la criminalité environnementale entre la France et l’ONUDC a été signé en février 2022. Ce plan d’action conjoint permet de financer des actions sur le terrain ainsi que des produits de connaissance sur ce sujet.
- Un texte exhaustif sur la criminalité environnementale qui renforce la coopération internationale et le mandat de l’ONUDC en matière de recherche et d’analyses a été adopté à l’initiative de la France en mai 2021 lors de la 30ème Commission pour la prévention du crime et de la justice pénale (CCPCJ).
- La Déclaration de Kyoto adoptée en mars 2021, lors du 14ème Congrès mondial des Nations unies pour la prévention du crime et la justice pénale contient pour la première fois l’engagement des États membres à adopter des mesures efficaces pour prévenir et combattre les crimes qui portent atteinte à l’environnement.
- Deux résolutions, négociées à l’initiative de la France dans le cadre de la Convention des Nations unies de lutte contre la corruption en 2019 et de la Convention des Nations unies de lutte contre la criminalité transnationale organisée en 2020, ont permis de mettre en place des instruments juridiques quasi-universels qui peuvent désormais être mobilisés pour prévenir et lutter contre la criminalité environnementale et renforcer la coopération internationale dans le domaine.
Lutter contre les réseaux de criminels environnementaux avec Interpol
L’Organisation internationale de police criminelle Interpol est naturellement très mobilisée dans la lutte contre la criminalité environnementale au travers de 4 groupes de travail spécialisés :
- Pêche,
- Forêts,
- Pollution,
- Espèces sauvages.
- Ces groupes travaillent à démanteler les réseaux de criminels environnementaux en fournissant aux services nationaux les outils et l’expertise dont ils ont besoin.
Par ailleurs Interpol dispose de bases de données spécialisées et coordonne des opérations policières transnationales, sur demande des Etats membres, pour lutter contre la criminalité environnementale.
Lutter contre le blanchiment des flux financiers liés au trafic d’espèces protégées
Le Groupe d’action financière (GAFI) a lancé une initiative pour renforcer la connaissance des flux financiers associés au trafic d’espèces protégées. Avec la contribution de la France, le GAFI a publié en 2020 un rapport identifiant des pistes pour renforcer le rôle des institutions financières dans la détection des flux suspects, les pratiques de blanchiment associées au trafic d’espèces et permettant de renforcer la coopération internationale entre institutions financières dans ce domaine.
En 2021, un nouveau rapport du GAFI a été publié sur le blanchiment de capitaux générés par les crimes contre l’environnement allant de l’extraction et du commerce illégaux des forêts et des minéraux au défrichement illégal en passant par le trafic de déchets.
Mise à jour : avril 2025